L'ultime prophétie

avec fierté. Avant
notre départ, il faudra demander à Ardred de jouer du luth pour vous. Sa
renommée croît chaque jour.
    —   Aider un poulain à venir au monde est plus important.
Mais il est vrai que j'aime la musique.
    Ardred soupira et baissa de nouveau la tête.
    —   Mon aveuglement d'autrefois était bien pire que ma
cécité d'aujourd'hui, dit-il doucement.
    Tom posa une main sur son épaule.
    —   Je te comprends. Vraiment.
    —   Je crois que oui.
    Le visage d'Ardred se fit plus détendu soudain.
    —   La mortalité est une chose merveilleuse.
    Les mortels le regardèrent, surpris. Alezzi prit la parole.
    —   L'immortalité ne te manque donc pas ?
    Ardred éclata de rire.
    —   Pourquoi me manquerait-elle ? Tu n'as aucune idée de la
beauté que confère la mortalité à chaque jour qui passe. Des joies que je ne
voyais pas autrefois et qui emplissent aujourd'hui mon cœur. J'en remercie les
dieux.
    Tess lui prit la main et reprit le fil de sa pensée.
    —   Nous sommes nés dans l'obscurité. Mythes et prophéties
planaient sur nous, accablaient nos âmes, liaient nos chemins et attristaient
nos cœurs. Nous vivons désormais dans la lumière. La lumière de vies
ordinaires. Se réveiller chaque jour, planter, semer et récolter. Vivre hivers
et printemps. Et en effet, naître et mourir.
    —   A la lumière des vies ordinaires, dit Archer en levant
une chope de la bière de Bandylegs.
    Les autres l'imitèrent, Tess la dernière.
    —   Oui-da. A la lumière.
    Car à partir de cette nuit-là, l'ombre n'était plus.