Madame de Montespan
donc, de noble lignée, mais de famille fort appauvrie. Et l’écho de leur misère parvient un jour aux oreilles d’un antiquaire véreux. Aussitôt, il bondit chez les demoiselles inquiètes, inventorie, bouscule, gratte les vernis, pèse les étains et propose enfin une somme presque dérisoire pour un lot de pièces de qualité.
— Non, monsieur, répondent-elles avec une stoïque indignation.
Mais le marchand indélicat insiste, ouvre sans crier gare le tiroir d’une commode Louis XIV, s’empare d’une miniature et lance :
— Et cette chose-là, combien ? Vous n’allez tout de même pas me laisser repartir les mains vides ! Allez, un beau geste ! Je vous offre tant !
Et « tant », c’était une somme assez coquette !
Il est vrai que la miniature en question était une oeuvre remarquable : elle représentait une « belle et noble dame du XVII e siècle, revêtue d’une brillante robe d’apparat ». À cette dernière proposition, les demoiselles se consultent du regard. Le commerçant sent bien qu’elles sont sur le point de céder.
« Il faut dire que le nom de la personne représentée sur cette peinture, bien qu’elle fût avec elles dans un degré certain de parenté, leur était totalement inconnu, comme il l’avait toujours été dans le passé à leurs parents et grands-parents eux-mêmes. On appelait seulement cette figure, entre soi et en baissant le ton, et sans savoir pour quelle faute commise, ou même peut-être pour quel crime – on l’appelait : la Honte de la Famille... oui, la Honte de la Famille ! Il n’y avait pas d’autre nom dans les mémoires qui servît à désigner autrement cette belle personne. C’était, comme ils disent à la campagne, sous cette manière de sobriquet qu’elle était dans cette maison connue, cachée et transmise d’héritage en héritage.
« Alors, cette fois, oui, cette fois, qui pouvait bien, à ces vieilles héritières de tant de passé prudent, faire une défense de conscience de tirer quelque honnête profit de la vente de ce portrait si peu estimé des leurs, auquel ne les rattachait nul lien, aucun souvenir, aucune affection ? Car ce n’était certainement pas sans une raison de scandale et de très véritable humiliation, que ce portrait avait reçu des générations semblable flétrissure.
« Une somme bien avantageuse leur était offerte, elles laissèrent s’éloigner sans regret « la Honte de la Famille » dans les mains de l’orfèvre transporté de joie, et qui le fut bien davantage, lorsque, à quelque temps de sa visite, il put, grâce à une inscription retrouvée sous l’encadrement, identifier la figure, et y reconnaître le portrait de Mme de Montespan elle-même. »
Châteaubriant ne nous dit rien de la généalogie de ces Nantaises aux cheveux blancs. Par quel biais descendaient-elles d’Athénaïs ? Une chose est sûre, en faisant – sans le savoir – de Mme de Montespan « la Honte de la Famille », elles exagéraient ! Et elles ne sont pas les seules ! On a trop souvent accablé... la Grande Sultane.
REMERCIEMENTS
J’ai vécu plus ou moins intimement avec Mme de Montespan pendant près de trois ans. Il y a eu des hauts et des bas, dans notre liaison. Des moments euphoriques parfois, quand la maison Castaing-Charavay, par exemple, m’autorisait à publier in extenso une lettre quasi inédite et extrêmement importante, écrite par Athénaïs à M. de Lauzun. Moments de grande joie quand j’entendais au téléphone la voix de Suzanne d’Huart qui me disait :
— Avez-vous consulté le « 265 AP 431 N°2 » ? Non ! Eh bien, venez ! Vous y trouverez sans doute des choses qui vous intéresseront, de même qu’au « 113 AP 3 dr 7 » ou au « AB XIX 2927 dr 17 » !
Et je courais alors jusqu’à la rue des Francs-Bourgeois, aux Archives nationales, pour découvrir le petit détail inédit qui allait ajouter une nouvelle touche au portrait d’Athénaïs.
Autre temps fort où il faisait bon vivre avec Mme de Montespan, celui de ma découverte du Poitou avec un mentor nommé Michel Laverret. Un infatigable chercheur qui m’a guidé dans les manuscrits de la bibliothèque de Poitiers, a sélectionné pour moi les Bulletins et Mémoires des Antiquaires de l’Ouest et a surtout placé mes pas dans ceux d’Athénaïs, depuis Lussac jusqu’à la cour du musée de Chièvres, en passant par Oiron, Serre, Fontevrault...
Mais à côté de ces heures idylliques
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