Marcof-le-malouin
était si naturel de supposer qu’Yvonne eût profité de la plus légère circonstance favorable pour fuir, que Marcof et ceux qui écoutaient Hermosa ne doutèrent pas qu’elle ne parlât sincèrement.
– La jeune fille est peut-être retournée à son village, dit le comte de La Bourdonnaie.
– C’est possible, répondit Boishardy.
– Non, dit Marcof ; elle devait être trop faible, et il y a loin d’ici à Fouesnan. Et puis, vos gars qui gardent le pays l’auraient déjà arrêtée.
– Mais qu’est-elle devenue alors ? s’écria Jahoua.
– Avez-vous visité les souterrains ? demanda Hermosa qui avait compris facilement que les trois hommes avaient été à l’abbaye.
Il lui était fort indifférent que l’on retrouvât ou non Yvonne, et elle espérait attendrir ses juges en ayant l’air de leur donner tous les éclaircissements qui étaient en son pouvoir.
– Il y a donc des souterrains dans l’abbaye ? demanda Marcof.
– Oui, dit Fleur-de-Chêne, et de fameux !
– Tu les connais ?
– Oui.
– Tu vas venir avec nous et nous conduire.
– Partons ! s’écrièrent Jahoua et Keinec.
– Guide-les, Fleur-de-Chêne. Je vous rejoins, mes gars, dit Marcof.
Fleur-de-Chêne et les deux jeunes gars disparurent promptement. Hermosa poussa un soupir de soulagement. Henrique n’était plus menacé par le fusil du paysan breton.
– Qu’allons-nous faire de cette femme ? demanda M. de La Bourdonnaie en désignant Hermosa.
Marcof l’entraîna, ainsi que Boishardy, à quelques pas, et, baissant la voix :
– Il ne faut pas la tuer, dit-il.
– Elle peut nous être utile ?
– Peut-être.
– Nous devons la garder à vie, alors ?
– Oui.
– Je m’en charge, fit Boishardy.
– Où la conduirez-vous ?
– Au château de La Guiomarais, où est le quartier général de La Rouairie.
– Très-bien.
– Je l’emmènerai cette nuit même.
Les trois chefs allaient se séparer, lorsqu’un paysan parut dans la petite clairière où ils se trouvaient.
– Qu’y a-t-il, Liguerou ? demanda vivement le comte.
– Un message pour vous, monsieur.
– De quelle part ?
– De la part d’un monsieur que je ne connais pas, répondit le paysan en présentant une lettre à La Bourdonnaie.
– Où as-tu vu ce monsieur ?
– À deux lieues d’ici, sur la route d’Audierne. Il traversait les genêts avec une femme habillée en religieuse et un autre homme âgé. Nous les avons arrêtés, mais il nous a donné le mot de passe et il a ajouté les paroles convenues et qui désignent un chef. Alors, au moment de s’éloigner, il m’a rappelé ; je suis revenu ; il a écrit une lettre sur un papier avec un crayon, et il me l’a remise en m’ordonnant de vous la porter sans retard. J’ai obéi.
– Bien, mon gars.
Le paysan se recula, tandis que le comte brisait le cachet ou plutôt déchirait une enveloppe collée avec de la mie de pain.
– Kérouët, dit-il en s’adressant à un homme qui tenait à la main une torche de résine enflammée, éclaire-moi.
Kérouët s’approcha vivement pour obéir à son chef. Quelques lignes étaient tracées sur le verso de l’enveloppe. Ces quelques lignes contenaient les mots suivants :
« Prière au comte de La Bourdonnaie de faire passer cette lettre par une main fidèle au capitaine Marcof, commandant le lougre le Jean-Louis en relâche à Penmarckh. »
– Marcof, dit le comte en tendant la lettre au marin, ceci est pour vous.
– Pour moi ?
– Voyez ce que l’on m’écrit.
Marcof prit la lettre et l’enveloppe. À peine eut-il jeté les yeux sur les lignes tracées au crayon qu’il tressaillit et qu’une joie immense illumina sa mâle figure. Il venait de reconnaître l’écriture du marquis de Loc-Ronan. Prenant la torche des mains de Kérouët et se retirant à l’écart, il lut avidement. Puis il revint vers le comte et son compagnon.
– Messieurs, dit-il, il faut que je vous parle. Éloignez tout le monde.
La Bourdonnaie donna l’ordre d’emmener les prisonniers et de veiller sur eux.
– Qu’y a-t-il ? demanda Boishardy lorsqu’ils furent seuls tous trois.
– Je suis autorisé à vous révéler un secret, répondit Marcof. Écoutez-moi attentivement. Le marquis de Loc-Ronan n’est pas mort.
– Philippe n’est pas mort ! s’écria Boishardy.
– Impossible ! fit le comte ; j’ai assisté à ses funérailles.
– Je vous le répète
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