Marie Leszczynska
commençait à se consumer sans flamme. Lorsqu’il s’en est rendu compte, le feu dévorait déjà le tissu. Il a appelé, mais personne ne l’a entendu. Affolé, il a trébuché et s’est effondré au pied du brasier. Les domestiques l’ont retrouvé inanimé devant l’âtre, profondément brûlé.
Les lésions sont graves mais les médecins demeurent plutôt confiants. Deux fois par jour, des courriers partent de Lunéville informer la reine de France. Stanislas trouve assez de force pour plaisanter sur son sort : « Vous m’aviez conseillé de me garder du froid. Vous auriez mieux fait de me dire de me préserver du chaud [15] ! » À Versailles, Marie et ses filles guettent les messagers sans trop savoir s’il faut croire ces nouvelles rassurantes. Elles prient. Mais l’espoir d’une guérison s’envole bien vite. La fièvre plonge le roi dans une sorte de torpeur et son calvaire prend fin le 23 février 1766.
Toute la Lorraine pleure son roi bienfaisant. Marie aussi, qui a perdu son plus fidèle soutien : « Mon Papa n’est plus, écrit-elle au président Hénault
. [...] Pour moi, je suis toujours triste et le serai toute ma vie ; je n’ai de consolation que de penser que ceux que je pleure ne voudraient pas revenir dans cette vallée de larmes, comme le dit le Salve . »
La dauphine succombe à son tour
La reine est abattue. En deux mois, elle a perdu deux êtres chers. En mars, elle est victime d’une fluxion de poitrine, conséquence d’un rhume négligé. On la saigne, on lui administre un remède nouveau. Elle va si mal qu’elle reçoit le viatique, tandis que Louis XV demande à l’archevêque de Paris de prescrire des prières pour sa guérison. Puis tout semble rentrer dans l’ordre. Le roi se montre plus affectueux avec elle et lui rend visite une à deux fois chaque jour. Les malheurs ont resserré les liens de la famille royale.
Le 16 août 1766, le roi, la reine et Mesdames assistent à la fête de l’Assomption, à l’abbaye royale Saint-Corneille de Compiègne. La dauphine ne les accompagne pas. Certes, « Pépa » avait promis à son défunt mari de faire de ses fils des princes chrétiens, mais elle n’en peut plus. Elle est en passe de s’effondrer. Inquiet, Louis XV propose à la mère du nouveau dauphin [16] de quitter l’appartement de feu son époux. Il lui offre celui de Madame de Pompadour où il ne veut plus aller. Le roi lui prodigue des marques d’affection et d’intérêt qui inquiètent les « héritiers » du clan Pompadour : c’est la seule femme de la famille qui peut se permettre de donner un avis au roi ! Alors que Choiseul insistait pour que Louis XV marie rapidement le petit dauphin à l’une des filles de l’impératrice Marie-Thérèse
d’Autriche, « Pépa » a conseillé au roi de ne rien précipiter, de manière à tenir la cour de Vienne dans la crainte et l’espérance. Et le projet de mariage a été momentanément enterré.
Hélas, la malheureuse Marie-Josèphe
a contracté la tuberculose, à force de dévouement au chevet du dauphin Louis. Connaissant tous les stades de la maladie, elle se sait condamnée malgré les efforts du célèbre Tronchin pour enrayer le mal. Quand elle se sent un peu mieux, elle joue du clavecin. Mais son confesseur lui impose sans pitié de se priver de son instrument préféré, pour compenser son incapacité physique à respecter le jeûne durant le carême. La dauphine s’éteint le 13 mars 1767, quinze mois après son cher époux. Marie, Mesdames et Louis XV se sont affectueusement relayés auprès d’elle et « Pépa » a pu bénir ses enfants avant de disparaître.
Dernières missions, derniers efforts…
De plus en plus lasse de vivre, la reine s’accroche pour mettre à exécution les projets échafaudés avec Stanislas, sous les frondaisons de Commercy. Son père lui a demandé de vendre la terre polonaise de Sierakow, héritée de Catherine Opalinska, pour en doter les jésuites de Pologne. Il souhaitait établir « une mission perpétuelle, dans les quatre principales provinces de ce royaume », à l’image des missions itinérantes de jésuites qu’il avait fondées en Lorraine.
Parallèlement, la reine presse Richard Mique
, ancien directeur général des Bâtiments du duc de Lorraine, afin qu’il termine les plans du « Couvent de la reine » [17] à Versailles. L’architecte, arrivé de Nancy en novembre 1766, présente plusieurs projets à Marie
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