Marie Leszczynska
s’améliorer. Brève rémission avant le dernier stade de la tuberculose, lorsque, les poumons rongés, la respiration devient presque impossible. Le dauphin se sait condamné. Il a demandé que l’on cache la gravité de son état à sa mère, mais Marie n’est pas dupe. À son père, elle écrit des lettres rassurantes auxquelles elle ne croit pas. Le 21 novembre, Stanislas lui répond : « Mon très cher Coeur, j’éprouve bien que vous faites toute ma consolation, car pendant que les nouvelles de tous côtés me mettaient aux abois, vos chères lettres m’ont soutenu ; celle d’aujourd’hui calme toutes mes inquiétudes [12] . »
Début décembre, la maladie empire. Désormais informée de la situation, Marie prie régulièrement la Vierge de Bon-Secours, aux Récollets, tandis que Stanislas fait dire les prières des Quarante heures dans toutes les églises de Nancy, y compris à Notre-Dame de Bon-Secours. Après une douloureuse agonie, le dauphin expire le 20 décembre 1765, à l’âge de trente-six ans.
Le royaume pleure cet homme jeune que l’on disait bon, équitable, un peu trop pieux, mais bien initié au gouvernement de la France. Dans son chagrin, Louis XV songe à l’avenir qui attend le nouveau dauphin, le duc de Berry, un enfant de onze ans. « Quoique je me porte bien, dit-il, c’est d’un bien petit secours ! » Inconsolable, la reine se sent désormais très seule. Elle confie au président Hénault
: « Je vous écris, mon cher président, pour vous dire uniquement que je vis encore après mon malheur affreux ! Je ne veux même m’occuper que du mien. Je pleure un saint. [...] Dieu est ma seule consolation. » À Stanislas, elle écrit : « Je pleure un fils et un ami, le malheur de l’État. [...] Il n’y a que le bonheur dont jouit mon fils par la miséricorde de Dieu qui me console. »
Les derniers jours de Stanislas
À Lunéville, le grand-père pleure son cher dauphin. Sa peine est si profonde que le chancelier décide d’abréger le cérémonial de la notification officielle du décès du prince. Après la lecture de la lettre de son gendre, le vieux roi s’abîme dans un silence impressionnant. Le service solennel à la mémoire de Louis est fixé au 3 février 1766, à la Primatiale de Nancy. Malgré le grand froid qui s’est abattu sur les duchés, Stanislas quitte Lunéville le 1 er février pour sa résidence de La Malgrange, aux portes de Nancy. Sa première visite est pour Notre-Dame de Bon-Secours, où il retourne le lendemain communier à la messe de la Purification de la Vierge, l’une des cinq fêtes mariales qu’il ne manque jamais.
Mais, le 3 février, son fauteuil reste vide pendant la cérémonie à la Primatiale, émaillée de querelles de préséance du plus mauvais goût. Stanislas n’a pas eu le courage d’affronter cette nouvelle épreuve. Ce jour-là, il écrit à Marie : « Me trouvant aux pieds de la Sainte Vierge, je suis à l’abri de tout le mauvais temps. Je quitte le séjour d’ici demain en très bonne santé. Le cardinal de Choiseul [13] a fait aujourd’hui son funèbre office à la Primatiale, avec tout l’éclat possible, au contentement de tout le monde. Je voudrais que vous ayez la bonté de me marquer dans votre lettre un mot sur ce sujet, car il le mérite. [...] [14] » Stanislas a eu la délicatesse de passer sous silence les incidents et son absence à la cérémonie, tout en s’inquiétant de savoir si ces querelles ont été relatées à sa fille.
Marie ignore encore qu’elle vient de recevoir la dernière lettre de son père. Quelques jours plus tard, un courrier en provenance de Lunéville annonce à la souveraine que le roi Stanislas a été victime d’un accident, au matin du 5 février. Comme à l’accoutumée, Stanislas s’est levé à six heures. Avec l’aide de son valet, il s’est habillé, avant de passer sur ses vêtements une robe de chambre en soie des Indes ouatée, présent de Marie. Il a gardé son bonnet de nuit et s’est installé dans son fauteuil, près de la cheminée de sa chambre. Le valet s’est alors retiré, car le roi exige d’être seul pour prier avant de se livrer au plaisir de fumer sa longue pipe allemande.
C’est à ce moment qu’est survenu l’accident. Presque aveugle et impotent, Stanislas a, malgré tout, voulu se lever pour poser sa pipe sur le rebord de la cheminée. Il n’a pas vu qu’un pan de sa robe de chambre avait touché le foyer et
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