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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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babillard de l’église catholique orthodoxe devant chez elle, annonçant des cours de violon pour septembre. Elle déborda de joie quand sept parents vinrent inscrire leurs enfants. Seule Florence eut quelques hésitations, affolée à l’idée qu’Élisabeth puisse aimer un autre élève plus qu’elle.
    – As-tu un rêve, Florence?
    – Un rêve de nuit ou un rêve de jour?
    – De jour.
    Florence, pendant de longues secondes, feignit une recherche sérieuse au fond de ses idées avant de dire qu’elle en avait un magnifique.
    – Je veux être le premier violon de l’orchestre de Wilfrid Pelletier.
    Élisabeth lui frotta la tête puis demeura songeuse. Florence venait de lui offrir un projet sur un plateau.Élisabeth passa plusieurs nuits éveillée, essayant d’imaginer un groupe de jeunes enfants jouant du violon. Elle demanda l’opinion de Zofia des dizaines de fois avant de sombrer dans le sommeil. Ses nuits devinrent finalement de moins en moins encombrées par ses réflexions. Ses angoisses et son excitation s’étaient changées en musique qui fuguait par les fenêtres et se répandait dans la rue Nelson telle une rosée rafraîchissante.
    La canicule humide de ce samedi de juillet imprégnait tout. Élisabeth revint du travail en transpirant et en cherchant son oxygène. L’air à l’intérieur du tramway était rare et irrespirable. Les aisselles étaient mouillées sous les robes et les chemises cernées dégageaient des odeurs étourdissantes tant elles étaient fortes. Élisabeth, agrippée à une poignée, dut faire tout le trajet debout, aucune banquette n’étant libre. Après être entrée dans son appartement, elle en fit le tour comme elle le faisait toujours pour se convaincre qu’elle ne rêvait pas, se dit qu’elle pourrait avoir encore plus de plantes, et se fit couler un bain tiède. Elle s’y écrasa en essayant de se calmer. Denis devait venir la chercher après son travail et l’emmener à Québec, au château Frontenac, jusqu’au lundi midi. Elle ferma les yeux et repensa à son arrivée avec Jan, quand ils avaient aperçu cette forteresse qu’ils crurent être un vrai château. Elle se souvint d’avoir pensé que l’hôtel avait accueilli Churchill et Roosevelt, qui y avaient certainement bien mangé pendant qu’à Cracovie leur famille avait dû faire de petits miracles quotidiens uniquement pour subsister.
    Élisabeth sortit du bain et s’épongea. Aussitôt rhabillée, elle recommença à transpirer dans une robe rose pâle amollie par l’humidité. Elle mit le couvert,plaça trois fleurs dans un petit vase posé au centre de la table, prépara un casse-croûte qu’elle réfrigéra et passa au salon pour attendre Denis. Elle s’assit après avoir branché un ventilateur qui ne lui rafraîchissait que le visage. Elle tenta bien de lire mais en fut incapable, sa pensée refaisant sans cesse le trajet entre l’hôpital et son appartement, se demandant où était la voiture de Denis. Elle regarda l’heure, et les aiguilles, probablement collées elles aussi, se tenaient dangereusement en équilibre sur le neuf. Élisabeth se leva et marcha vers la fenêtre. La lourdeur de l’air réverbérait les sons de la rue et le cri des chauves-souris se répercutait sur tous les murs, frôlant le chant des oiseaux nocturnes. Élisabeth essaya de voir les étoiles, mais les nuages, que l’assoupissement du soleil colorait encore de lilas, l’empêchaient de les distinguer. Elle retourna à la cuisine, pigea quelques légumes crus qu’elle croqua sans appétit, revint au salon et se rassit devant le ventilateur dont le bourdonnement se faisait de plus en plus bruyant dans le silence qui envahissait tranquillement la maison. Elle passa son mouchoir sur ses sourcils et ses paupières, le replaça sous la bretelle de son soutien-gorge et tenta de reprendre une lecture distraite par l’attente de Denis. Elle avait compris qu’ils n’iraient pas à Québec. Son rêve de dormir dans un semblant de château, de se promener en tenant le bras du plus beau prince qu’elle eût rencontré, s’envolait en se mêlant à l’étouffante humidité. Même les oiseaux s’étaient tus. La touffeur de la journée ressemblait à celle qu’elle avait connue le jour de son arrivée à Montréal. Les aiguilles avaient réussi à franchir la dernière heure de la soirée quand, déçue, inquiète et incapable de comprendre ce qui était arrivé à Denis, elle éteignit toutesles

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