Même les oiseaux se sont tus
dans le lit, le corps nu et humide sanglé sur celui de Denis.
– Je t’aime, Denis.
– Je t’aime, Élisabeth.
Elle se demanda si la chaleur qui la pénétrait de partout était celle de l’enfer ou de l’amour. Elle eut soudainement peur des foudres célestes, craignant qu’un éclair ne déchire le rideau de sa chambre, maistoutes ses pensées se mêlèrent aux murmures d’amour qui les berçaient, elle et Denis.
Le soleil se leva et ils ne le virent pas, aveugles tous les deux, découvrant à tâtons l’univers de leur sensualité. Ils entendirent les cloches appeler les fidèles aux offices et Élisabeth sut qu’elle était probablement damnée. Elle fut incapable d’avoir peur de son Dieu qui devait comprendre que son corps venait de naître à la femme qu’elle était devenue.
Elle regarda les yeux de Denis, bouffis de chagrin et gavés du spectacle de leur nuit. Elle lui caressa les arcades sourcilières et les os de la joue, certaine maintenant qu’elle resterait toujours dans les coulisses de sa vie.
Élisabeth s’endormit à midi dans les bras de Denis, son prince des ténèbres, ignorant que Jan venait de décider d’acheter une autre épicerie, ignorant aussi que Jerzy, sur les rives de la Rouge, relisait pour la centième fois sa copie du baptistaire de Joseph Denis Nicolas Aucoin, sur lequel il était écrit qu’il était le fils de Michelle Dupuis et de Jean Aucoin et le filleul de Jerzy Pawulski et d’Anna Jaworska.
Achevé d’écrire à Longueuil le 6 juin 1992
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Pause
Tant de personnes nous ont aidés pour que ce roman voie le jour que je suis terrorisée à l’idée d’oublier ici un seul nom. Si une telle omission s’est produite, que la victime nous en pardonne.
À Montréal, Michel Maheu, Marielle Caron et Jean-Roch Marcotte ont été les complices de la première heure.
La néo-Canadienne d’origine polonaise avec laquelle j’ai eu la première rencontre de débroussaillement a été Élisabeth Pawulski – aucun lien avec le personnage du même nom. En plus de me prêter son nom, Élisabeth, à son insu – et même au mien! –, m’a fourni l’idée de mettre en scène une famille de musiciens. Elle est aussi intervenue en nous mettant en contact avec M. Adam Dobija, qui nous a longuement raconté sa sortie de Pologne, à pied, à travers les Carpates, ainsi que ses premières années dans l’Ouest canadien. Enfin, M me Pawulski a accepté de participer au groupe de lecture.
Mes remerciements à M me Anna Poray-Wybranowski, qui nous a mis sur la piste de l’enlèvement des professeurs de l’université de Cracovie et qui nous a renseignés sur la vie de l’université pendant la guerre.
Nous tenons aussi à remercier M me Jacqueline Seyens-Ouellet, qui a parlé de sa traversée de l’Atlantique et de son arrivée au Canada à titre d’épouse d’un militaire canadien.
M. Robert Prégent nous a décrit la vie d’une épicerie de Montréal dans les années 50.
Un clin d’œil à M. Marcel Malcuit, qui a autorisé le personnage de Jan Pawulski à lui emprunter le numéro de son certificat de citoyen canadien.
Mes remerciements à la famille Schweitzer, plus spécialement à Heïdi, ainsi qu’à Pauline et à son époux Walter Canzani.
Un merci tout spécial à mon père, Émile Couture, témoin privilégié de l’immigration au Canada depuis les années 30 jusqu’à la fin des années 60, dont j’ai siphonné la mémoire de 88 ans pendant les trois dernières années, lui demandant à brûle-pourpoint de me transporter dans le Manitoba des années 40 ou dans le Québec des années 50.
Au Manitoba, Raymond Hébert nous a été d’une grande utilité en nous servant d’intermédiaire. C’est grâce à lui que nous avons fait la connaissance de M me Zophia deWitt, du Canadian Polish Congress; de M. Lech Fulmyk, dont les Mémoires non publiés ont inspiré le passage de la déportation russe du personnage de Jerzy Pawulski pendant la guerre. M. Hébert m’a aussi mise en contact avec M. Gérard Lagacé, de Saint-Norbert. M. Lagacé m’a longuement entretenue de l’inondation de 1950. M. Hébert nous a aussi servi de cicérone dans la campagne manitobaine, tout comme M. Roland Couture, qui nous a conduits dans les «îlots» polonais de East Selkirk et nous a présentéM. Philip et M me Rose Tencha, de Saint-Norbert. M. Tencha nous a abondamment parlé de l’aventure de sa famille et du caractère polonais. D’une de ses anecdotes a
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