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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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lumières, passa à sa chambre en traînant le ventilateur qu’elle installa sur la table de chevet, et s’étendit, les bras à la tête du lit, offerte à la solitude.
    Elle s’endormit après avoir vu les aiguilles chuter en parallèle sur le trois. Son sommeil fut hanté de spectres et de cauchemars dans lesquels elle faisait manger des fraises piégées à Denis qui lui souriait sans méfiance. Agitée, elle se réveilla en sursaut et aperçut une ombre debout au pied du lit. Un son étouffé par la frayeur sortit de sa poitrine opprimée. Elle reconnut enfin la voix de Denis qui la rassurait.
    – Je m’excuse. Je n’aurais pas dû utiliser ma clef.
    Élisabeth s’assit avant de s’avancer vers lui et de lui tendre une main. Denis demeurait debout, impassible. Elle ne pouvait lire son visage, la noirceur de la nuit ayant éteint la lune.
    – Qu’est-ce qui s’est passé, Denis? Je t’ai attendu...
    – Je sais.
    Sans s’approcher d’elle, il s’assit enfin près du pied du lit, elle au centre. Il avait une odeur de musc que l’humidité rendait encore plus enivrante. Élisabeth osa mettre le nez dans son cou, lui lécher une oreille et lui embrasser la joue. Il la repoussa sans la brusquer. La chaleur écœurante de la nuit ne parvint pas à vaincre le frisson qui venait de gaufrer la peau d’Élisabeth.
    – Qu’est-ce qu’il y a, Denis?
    – Je ne peux pas, Élisabeth, je ne peux pas.
    Élisabeth entendit clairement son cœur se fêler. Le bruit résonna encore plus que les sanglots de Denis qui lui sembla aussi inconsolable qu’un enfant dont le jouet aurait été écrasé en mille morceaux.
    – Je n’en peux plus, mon amour.
    – De moi?
    – Non, de moi.
    Ses sanglots redoublèrent et Élisabeth le prit dans ses bras pour le cajoler et le consoler: Denis gardait la tête droite, incapable de l’abandonner sur l’épaule d’Élisabeth qui voulut crier le rejet qu’elle ressentait. Sa bouche demeura close, paralysée par le tremblement qui la secouait. Elle avait plus mal qu’à Cracovie, plus mal que dans le champ de fraises. Encore un mot et elle mourrait étranglée par sa douleur. Honteuse de montrer son écorchure à son père, elle pensa plutôt à sa mère et la pria de l’aider. Zofia pouvait la comprendre.
    Elle se coucha sur le ventre, s’enfouit la tête dans l’oreiller déjà humecté de transpiration et laissa sortir ses larmes. Elle entendit Denis lui demander pardon et lui répéter combien il l’aimait. Elle ne comprit plus rien. Jamais elle n’avait tant aimé. Jamais elle n’avait tant espéré. Jamais elle n’avait tant rêvé.
    – Tu me brises, Denis.
    – Oh non! mon amour. C’est moi qui suis brisé et je t’entraînais.
    Elle se retourna, s’assit en face de lui, les yeux maintenant habilités à reconnaître les ombres de ses traits.
    – Est-ce que je t’ai dit que tu étais la femme de ma vie, Élisabeth?
    – Oui...
    – C’est la seule vérité.
    Denis s’essuya la figure du revers de la manche, soupira avant de pouvoir continuer à lui parler. Élisabeth lui tenait une main et Denis sentait des spasmes de douleur, semblables à ceux d’un patient sur le point de tomber en état de choc.
    – Je suis marié, Élisabeth.
    La chaleur lui monta à la tête et l’odeur de musc devint si étouffante qu’Élisabeth cessa de respirer. Elle venait d’arriver aux portes de l’enfer et frappait pour qu’on lui ouvre.
    – Oh non! Denis... Oh non!
    Elle se pendit à son cou pour lui demander pourquoi il lui avait menti mais elle fut incapable de parler. Elle ne retenait que ce qu’il venait de lui dire: qu’elle était la femme de sa vie. C’était la seule vérité qu’elle voulait comprendre. Un éclair zébra le ciel et Élisabeth se tendit de peur. Un grondement suivit, éclatant si près de la maison qu’une vibration parcourut les murs. Élisabeth paniqua et se mordit le bras. Denis le lui dégagea de la bouche et essaya de la rassurer.
    – Ce n’est qu’un orage, mon amour.
    – Toute ma vie est un orage.
    Le tonnerre envahit encore l’espace étouffant de la chambre et Élisabeth se cacha la figure.
    – Toute ma vie...
    Élisabeth essaya de frapper encore plus fort aux portes de l’enfer pour qu’on lui ouvre.
    Elle se sentit happée par les bras de Denis et s’y laissa entraîner. Elle fut prise d’une immense fébrilité et, sans comprendre que quelqu’un venait de lui faire franchir le portail infernal, elle se retrouva

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