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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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l’Union
soviétique, et qu’elle ne doutait pas que je dise la vérité. Peu après ce
premier avertissement, les communistes lancèrent à Milena une sorte d’ultimatum :
il fallait qu’elle choisisse entre son appartenance à la communauté tchèque de
Ravensbrück et son amitié avec l’Allemande Buber-Neumann. Milena fit un choix
dont elle mesura d’emblée toutes les conséquences. Elle fut donc, par la suite,
en butte à cette même haine fanatique que me vouaient les communistes.

Plus forte que toute cette barbarie
    « … Et cela, Milena, et cela, maman Milena, c’est encore
le fruit de ton immense faculté d’animer… » [2]
    Une amitié intense est toujours un cadeau de grand prix. Mais
si l’on en éprouve le bonheur dans des conditions désespérantes comme celles du
camp de concentration, il peut devenir l’essence même de la vie. Aussi
longtemps que nous avons été ensemble, Milena et moi sommes parvenues à
surmonter tout ce que le présent avait d’insupportable. Mais, avec toute sa
force et son caractère exclusif, cette amitié est devenue davantage encore :
une protestation ouverte contre l’avilissement que nous subissions. Les SS
pouvaient tout interdire, nous réduire à l’état de numéros, nous menacer de mort,
nous asservir, mais, dans les sentiments que nous éprouvions l’une pour l’autre,
nous demeurions libres et hors d’atteinte. C’est à la fin du mois de novembre
que nous osâmes pour la première fois nous prendre par la main, pendant une
promenade du soir, chose formellement interdite à Ravensbrück. Silencieuses, nous
avancions dans l’obscurité le long de l’allée, la main dans la main. Nous marchions
à grands pas, comme si nous étions en train de danser, les yeux perdus dans la
lumière laiteuse de la lune. Il n’y avait pas un souffle de vent. Quelque part,
au loin, dans une autre partie du camp, nous entendions traîner et crisser les
galoches d’autres détenues. Mais la seule chose qui comptait pour moi, c’était
la main de Milena dans la mienne ; tout ce que je souhaitais, c’était que
cet instant ne finisse jamais. La sirène du camp retentit, il était l’heure d’aller
se coucher. Toutes se précipitèrent vers les baraques. Nous hésitâmes, resserrâmes
notre étreinte ; nous ne voulions pas nous quitter. Nous entendions se
rapprocher les vociférations d’une surveillante. Milena murmura : « Viens
plus tard, au Mur des Lamentations, derrière ma baraque. Pour être ensemble, quelques
minutes seulement ! » Puis nous nous séparâmes en hâte, non sans
avoir essuyé un « maudites bonnes femmes ! » furieux.
    À l’heure dite, je me glissai hors de la baraque grouillante
de détenues. Il ne me vint absolument pas à l’idée que cette rencontre pouvait
me valoir des coups, un séjour dans la prison du camp, voire, peut-être, la
mort. Sans me soucier de savoir si l’on m’observait, je courus le long des
fenêtres éclairées, atteignis le chemin qui longe le Mur des Lamentations. Il
faisait noir comme dans un four et je ne savais plus que faire. Cherchant à
étouffer le bruit des galoches, je cherchai à tâtons le bord du chemin et
continuai à courir sur la pelouse. Je remarquai une lueur derrière les buissons
dénudés plantés le long du mur aveugle d’une des baraques suivantes. En proie à
une intense agitation, je me précipitai dans l’obscurité, trébuchai sur un
petit buisson et tombai dans les bras de Milena.
    Le matin suivant, je me retrouvai à l’interminable appel
quotidien. Travaillant à l’infirmerie, Milena était parfois dispensée de
participer au rassemblement. Les trois cents détenues de ma baraque se tenaient,
immobiles et silencieuses, le long de l’allée, face à l’infirmerie. On
attendait que la chef SS chargée du rapport vienne effectuer les contrôles
habituels. C’est alors que je vis Milena s’avancer vers une fenêtre fermée, dans
le couloir de l’infirmerie. Elle me regarda, posa la main sur la vitre et la
fit glisser lentement sur le verre, m’adressant un salut tendre et muet. J’étais
ravie et lui adressai un signe de la tête. Mais, tout d’un coup, je me mis à
avoir terriblement peur pour elle : des centaines d’yeux ne voyaient-ils
pas la même chose que moi ? À chaque instant, la surveillante SS pouvait
arriver ! Le long couloir avait six ou sept fenêtres et, à chacune d’entre
elles, Milena répéta son tendre jeu.
    Lorsque Milena se vit

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