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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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chaise, enfile bottillons et manteau fourré, enfonce la chapka au ras des sourcils : aujourd’hui comme hier il fait moins quinze, elle l’a vérifié en consultant le thermomètre suspendu à l’extérieur de la cuisine. C’est le moment que choisit Léon de Rosen pour entrer dans la cuisine. Lui aussi est debout depuis longtemps, il a même commencé la tournée des vœux pour le Nouvel An auprès des membres de son directoire.
    — Bonne année à tous ! Au fait, Claire, votre petit protégé, le Grec, a bien passé la nuit. On pense qu’il survivra.
     
    Claire et Wia se promènent dans le parc le plus proche recouvert d’une épaisse couche de glace. Ils avancent lentement de crainte de glisser et de tomber. Les chiens courent loin devant eux, dérapent régulièrement. Ils font la joie d’une bande d’enfants chaussés d’antiques patins, qui ont improvisé une patinoire sur un petit étang. L’air est sec, vif, un pâle soleil perce par moments derrière les nuages. Parfois Claire et Wia croisent d’autres couples, des Berlinois qui leur souhaitent « bonne année » en allemand. À cause du froid, de la buée se forme devant toutes les bouches.
    — Mon petit Grec sauvé et ces gosses qui ont oublié la guerre, mon fils va naître dans un monde meilleur, se réjouit Claire.
    — Qu’est-ce qui te fait croire que ce sera un garçon ? Une fille, c’est bien aussi...
    — Ce sera un garçon. François naîtra en mai et...
    Wia l’interrompt d’un baiser.
    — J’ai oublié de te dire. J’ai pu joindre mon père au téléphone, hier. Il nous demande de respecter nos deux pays d’origine et de choisir des prénoms en conséquence.
    — Comprends pas.
    — Mais si. Pas de François si c’est un garçon, pas de France si c’est une fille, mais des prénoms communs à la France et à la Russie comme Léon, Alex, Pierre, Serge, Jean, Marie, Anne, Hélène, Nathalie, etc. On n’a vraiment que l’embarras du choix.
    Claire s’est figée sur place en proie à une violente contrariété.
    — Rentrons, dit-elle, je suis fatiguée.
    Wia qui n’a pas remarqué le changement de ton de sa femme, consent avec gentillesse. Il siffle, comme il a l’habitude de le faire, les chiens. Mais à sa grande surprise aucun d’eux ne se montre. Il attend quelques secondes en scrutant la partie du parc où il les a vus pour la dernière fois, les imagine jouant avec les enfants, puis siffle à nouveau, plus fort et plus longuement. Quelques secondes encore et il voit Kitz au loin, surgir d’un entrelacs d’arbres morts, couchés sur le sol, abandonnés. Kitz est seul, sans Vicouny.
     
    Trois heures durant, Claire et Wia ont appelé, cherché leur chien. Aidés des enfants, puis de quelques volontaires allemands inconnus, ils ont fouillé le parc dans ses moindres recoins, les rues avoisinantes. Kitz trottine à leurs côtés, l’air penaud. À plusieurs reprises, Wia le prend à partie et lui demande ce qui est arrivé à son compagnon chien. « Il était sous ta responsabilité ! » Claire n’a pas le cœur de protester devant ce comportement absurde. Elle partage la détresse de son mari, elle ne sent pas qu’elle est épuisée par cette marche dans le froid. Un brouillard s’est peu à peu formé sur la ville et rend les recherches plus difficiles.
    Enfin, ils se décident à rentrer chez eux.
    C’est le 1 er janvier, jour de congé, et il n’y a pas grand monde à l’étage de la Division des personnes déplacées. Les filles des Croix-Rouge française et belge, au contraire, sont presque au complet. Plumette n’hésite pas à prendre la tête des opérations. Wia, elle, Mistou et trois de leurs camarades belges, chacun au volant d’une voiture, s’en vont patrouiller dans les rues de Berlin. Claire et Rolanne demeurent sur place pour accueillir Vicouny si, par miracle, quelqu’un le ramenait.
    Il fait nuit depuis longtemps quand Wia et ses amies reviennent. Ils ont interrogé toutes les personnes qu’ils ont rencontrées, craignent maintenant le pire : on ne compte plus, à Berlin, le nombre de chiens et de chats volés pour être revendus au plus offrant ou mangés par les plus affamés.
    Claire voit son mari sur le point de perdre la tête. Elle lui propose d’écrire un avis de recherche avec une forte récompense pour qui le retrouverait. « Dans toutes les langues, insiste-t-elle, dans toutes les langues. » Wia s’exécute aussitôt, aidé par les filles. Toutes
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