Montségur et l'enigme cathare
« bons hommes » trop voyants : il dut ainsi faire
venir de Montségur le diacre albigeois Johan Cambitor, ainsi que trois autres
hérétiques, et les faire condamner au bûcher, à Toulouse.
C’est alors que meurt Guillabert de Castres, en 1240. Cette
figure marquante du catharisme est entrée dans la légende : on racontait
qu’il avait administré le consolamentum et
prêché dans plusieurs centaines de localités sous le nez des Inquisiteurs, et
sans doute avec la protection du comte de Toulouse. Guillabert de Castres, véritable
chef de la religion cathare, est remplacé par Bertrand d’en Marti. Et un an
plus tard, de plus en plus aux abois, Raymond VII doit promettre au roi
Louis IX de détruire le château de Montségur. Il vient y mettre le siège, mais,
bien entendu, cela ne tire pas à conséquence : ce siège est de pure forme,
et d’ailleurs la forteresse paraît imprenable.
On peut se faire une idée de ce que pouvait être Montségur à
ce moment-là, grâce aux documents écrits, en particulier les récits des
chroniqueurs, et surtout par l’étude systématique du terrain, tel qu’il
apparaît à la lumière des fouilles les plus récentes.
Le château lui-même ne constitue qu’une partie du système de
défense : il n’occupe qu’une faible surface par rapport à l’ensemble du pog . C’est seulement la partie essentielle d’un
complexe très vaste, correspondant à l’ensemble de l’éperon rocheux, bordé de
falaises plus ou moins abruptes sur tout son périmètre. Quand on observe
attentivement cet éperon du haut des murailles, on s’aperçoit que tout le
plateau a été aménagé. Ce sont évidemment les agencements militaires qui se
repèrent le plus facilement. En dehors du château, qui est le point le plus
élevé, on peut remarquer les défenses sur le versant sud, qui est le plus
exposé à cause de la relative facilité d’accès qu’on peut expérimenter aujourd’hui.
Il y a aussi les défenses avancées sur le versant nord, qu’on distingue à peine
parce qu’elles sont dissimulées actuellement sous la végétation. À l’est, un
poste avancé qui pouvait surveiller la sortie des gorges du Carroulet était
doublé, un peu plus au nord, par le poste de guet du Roc de la Tour, permettant
le contrôle de l’entrée de ces mêmes gorges.
Le village, lui, était compris entre le château, sur le
versant nord, et les chicanes qui en protégeaient les abords. À l’est et à l’ouest,
la montagne suffisait pour isoler l’établissement. C’est dans ce village qu’était
établie la communauté des Parfaits et des Croyants. Il est impensable en effet
que ceux-ci, qui se livraient à la méditation et aux spéculations intellectuelles,
aient pu vivre à l’intérieur de la forteresse : dans celle-ci se
trouvaient les soldats mercenaires de Ramon de Perella, et ce n’est qu’en cas
de danger que les Cathares se réfugiaient à l’intérieur des murailles.
Le château comprend à peu près sept cents mètres carrés de
surface. Au centre, il y avait une petite cour dallée à ciel ouvert d’environ
cent mètres carrés. C’est autour de cette cour qu’étaient répartis et disposés,
sur trois étages, des bâtiments à usages divers, des échoppes, des ateliers, des
salles d’armes et des réserves. Trois escaliers permettaient d’accéder au
chemin de ronde et aux défenses des ouvertures. C’est dans cette partie du
château que résidaient les hommes d’armes qu’avait amenés Ramon de Perella et
qui, au moment du siège, étaient commandés par Pierre-Roger de Mirepoix. On
estime généralement ces hommes d’armes à cent cinquante, mais la plupart d’entre
eux avaient amené, comme cela se faisait, leur famille, ce qui constituait un
accroissement de population certain. Il y avait aussi des écuries, car les
chevaux et les mulets pouvaient parvenir jusqu’au château par un chemin aménagé.
On sait que les chevaux étaient de très petite taille, et qu’ils convenaient
parfaitement aux chemins escarpés de la montagne. Les fouilles montrent que les
hommes de la garnison disposaient d’un armement très complet : lances, javelines,
poignards et dagues, projectiles de fronde et flèches. On a retrouvé également
de gros boulets de pierre, d’un poids de 60 à 80 kilos, qui étaient
débités sur place, et qui servaient de projectiles à des armes de jet, du type
trébuchet.
Les occupations de ces hommes d’armes étaient
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