Montségur et l'enigme cathare
besoin de se réincarner une nouvelle
fois pour se purifier et se débarrasser de l’esclavage de la matière, création
satanique. Ils ne pouvaient porter les armes, ni effectuer des travaux
considérés comme dégradants, et ils se livraient à des méditations, des prédications
et des pratiques cultuelles. Les Croyants, eux, n’étaient pas tenus à une telle
austérité parce qu’ils n’avaient pas atteint le même degré de sagesse et de « pureté ».
Eux savaient qu’ils devraient revivre afin de compléter leur initiation et de
se purifier entièrement. Ils n’avaient donc pas exactement les mêmes interdits,
notamment en matière alimentaire et sexuelle. Mais, par respect pour la vie, aucun
Cathare n’avait – théoriquement – le droit de porter les armes et de faire la
guerre.
Or, à Montségur, l’aspect militaire incontestable fait supposer
qu’une grande partie des occupants n’étaient pas cathares. De plus, les
ossements d’animaux laissent penser que les habitants n’étaient pas tous
végétariens. De plus, les Parfaits et les Croyants participaient à la vie
active, et il n’y avait pas de distinction fondamentale dans la vie quotidienne
des uns et des autres. Tout cela montre qu’à Montségur, en ce début du XIII e siècle, il y a eu une communauté cathare
hétérogène plus proche des monastères celtiques chrétiens d’Irlande que des
abbayes cisterciennes de l’époque. Et, de plus, la signification religieuse
était absolument liée à la signification politique. S’il est possible qu’on ait
considéré, vers 1240, Montségur comme une capitale cathare, il est tout à fait
certain qu’on l’a tenu pour le haut lieu, le véritable symbole, de la résistance
occitane à la colonisation capétienne. D’où les événements qui ont conduit à la
tragédie de 1244.
On sait qu’en 1241, Raymond VII de Toulouse avait été
contraint de réaffirmer au roi de France son allégeance à la monarchie et sa
volonté de poursuivre la lutte contre l’hérésie. Il avait même mis le siège
sous le pog , sans trop insister, ce qui lui
avait permis d’affirmer aux envoyés du roi et aux Inquisiteurs que c’était
peine perdue que de vouloir s’emparer de Montségur. Raymond VII joue
parfaitement le double jeu. Il n’attend qu’une occasion favorable pour chasser
les troupes françaises et récupérer l’intégralité de ses domaines. De plus, comme
il n’a pas d’héritier mâle légitime, il tente par tous les moyens de faire annuler
son mariage avec Sanche d’Aragon, qui est stérile, pour épouser une femme qui
lui donnera un fils. Mais Louis IX et Blanche de Castille multiplient les
manœuvres pour empêcher qu’il puisse contracter une nouvelle union : le
plan est tracé d’avance : la fille de Raymond, Jeanne de Toulouse, épousera
Alphonse de Poitiers, frère de saint Louis, ce qui fera tomber tôt ou tard le
comté de Toulouse dans la mouvance de la famille royale.
Dans ces conditions, Raymond VII veut gagner du temps. Incontestablement,
il se sert des Cathares, en les protégeant, parce que ce sont les ennemis du
roi de France et parce qu’ils représentent, aux yeux de la population, en
majorité catholique, la résistance à l’oppression du nord. Raymond VII eût
aidé n’importe quelle secte hérétique pourvu qu’elle eût manifesté son
désaccord avec la politique royale. Et, en 1242, il est l’âme d’un vaste
complot qui réunit l’éternel opposant à Blanche de Castille, Hugues de Lusignan,
comte de la Marche, Henry III Plantagenêt, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine , les comtes de Foix, de Comminges,
d’Armagnac et de Rodez, ainsi que les vicomtes de Narbonne et de Béziers. C’est
presque toute l’Occitanie qui forme cette coalition encore secrète, et l’empereur
Frédéric II, ravi de susciter des difficultés à la monarchie capétienne, en
est le complice avisé.
Malheureusement pour les Occitans, et bien entendu pour les
Cathares eux-mêmes, la révolte va éclater trop tôt, à la faveur d’un drame qui
a l’allure d’un incident mineur, mais qui est peut-être le résultat d’une
provocation voulue et mise en œuvre par le gouvernement royal. En effet, Louis IX
et Blanche de Castille avaient leurs informateurs, pour ne pas dire leurs
espions, dans tout le comté de Toulouse. Ceux-ci n’étaient pas sans avoir
averti leurs maîtres que quelque chose de grave se préparait. On peut alors
proposer
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