Montségur et l'enigme cathare
notions qu’il recouvre ; le second met en
cause la conception qu’avaient les Cathares de la personnalité de Jésus.
Le premier plan met en lumière l’une des pratiques les plus
courantes des poètes et des écrivains des XII e et XIII e siècles le jeu de mots, ou si l’on
préfère la kabbale phonétique, dont le Kyôt de Wolfram von Eschenbach paraît un
exemple frappant. Mais là, il s’agit du Graal. Dans le texte de Chrétien de
Troyes, le Graal n’est pas encore « saint ». Il n’est qu’un simple
récipient plus proche du chaudron d’abondance et d’inspiration des bardes
gallois que du calice cistercien qui contient le sang du Christ. Chez les
continuateurs de Chrétien, et dans les versions cisterciennes, il devient
nettement le saint Graal : la sainteté du
contenu (le sang du Christ) passant au contenant (la coupe, le vase ou le
calice). Et en moyen français, où l’orthographe n’est pas fixée, les variantes
observées dans les manuscrits font apparaître une combinaison des deux termes « saint »
et « graal ». Ainsi découvre-t-on les formes sangral , sangreal , sangraal . Et au XV e siècle,
dans le texte anglais de Thomas Malory, compilateur de toutes les légendes
arthuriennes, le terme sangreal prédomine
nettement.
Le jeu de mots se situe précisément sur cette forme. Car à
la césure classique et normale san-greal , on
peut substituer facilement une autre césure : sang-real .
Or sang real , en français moderne, cela donne sang royal . Le Graal serait-il tout simplement, et
de façon ésotérique, le sang royal , c’est-à-dire
l’indication d’une lignée royale, celle-ci étant constituée par la famille des
rois du Graal, que la plupart des textes font remonter, par Joseph d’Arimathie,
au roi biblique David ?
L’idée apparaît séduisante. Elle n’est
qu’une hypothèse , mais elle s’appuie sur un fait constant dans toutes
les versions de la légende : le « saint » Graal est en
possession exclusive des membres d’une lignée sacrée qui remonte dans le temps,
très loin, à l’époque du roi David. Que ce soit Lancelot du Lac et son fils
Galaad le Pur, que ce soit Perceval, que ce soit Perlesvaux, que ce soit
Parzival, le héros du Graal est neveu du Roi-Pêcheur et de l’ermite initiateur
(Trévrizent chez Wolfram) et descendant de Joseph d’Arimathie, lui-même descendant
de David, et possesseur de l’émeraude céleste ayant servi à fabriquer le vase
appelé Graal.
Certes, les indications sur cette lignée en somme purement
mythologique restent pour le moins étranges : elles font intervenir des
personnages bibliques, des évêques quelque peu marginaux et des rois qui sont
empruntés à la tradition celtique, comme Évallach, lequel n’est autre que le
nom de l’île d’Avalon, c’est-à-dire du paradis à la mode druidique. Mais il y a
une continuité, et Wolfram lui-même s’efforce de la mettre en évidence, en
préparant même ce qui se passera après Parzival : Lohengrin sera donc l’ancêtre
des rois de Jérusalem, et aussi des ducs de Lorraine : et le sang royal de la lignée du Graal se retrouvera même,
aux dires de certains, dans la famille des Guise (qui savaient très bien à quoi
s’en tenir en réclamant la couronne de France) et dans celle des Habsbourg, dont
un des derniers membres se serait intéressé de très près à l’abbé Saunière et à
l’affaire de Rennes-le-Château.
Tout cela est déroutant. Mais il est fort douteux qu’on
puisse tirer quoi que ce soit des nombreux « dossiers secrets »
ouverts depuis quelque temps sans apporter aucune preuve de l’authenticité de
ces dits documents. Il ne reste que l’hypothèse, ou les hypothèses, car chacun
peut y aller de son interprétation ou de ses convictions.
Mais il y a tout de même une curieuse tradition concernant
Rennes-le-Château et le Razès, à propos d’une certaine Marie-Madeleine, dont le
culte est attesté dans le Razès en de nombreux endroits, et sous le vocable de
laquelle a été consacrée l’église de Rennes-le-Château. Il est difficile de
nier cette « présence » de Marie-Madeleine, et la fameuse « Tour
Magdala », érigée par l’abbé Saunière, soi-disant pour loger sa
bibliothèque, est là pour affirmer bien haut, et bien visiblement, cette présence.
Pour tenter de trouver une explication, il faut partir de certaines
conceptions cathares sur le personnage de Jésus. Pour les Cathares, Jésus
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