Montségur et l'enigme cathare
qui enflamme toujours l’imagination, c’est la fuite des
quatre Parfaits de Montségur, avant la reddition de la forteresse et l’holocauste
des deux cent cinq « hérétiques ». Compte tenu de la résignation – et
même de la joie sereine – des Cathares qui périrent sur le bûcher, il n’est pas
pensable que ces quatre Parfaits se soient ainsi soustraits au supplice sans
une raison impérieuse qui les dépassait et qui engageait toute la communauté
cathare. S’ils se sont « enfuis » de Montségur, c’est pour mettre à l’abri quelque chose qui ne devait pas tomber entre
les mains des Inquisiteurs, ni dans celles des soldats de l’armée royale. Et
comme on ne possède aucune indication sur la nature réelle de ce dépôt, on peut
tout imaginer : la solution la moins vraisemblable étant celle d’un trésor
matériel. On voit en effet difficilement quatre hommes, même endurcis et
connaissant bien le terrain, transporter une lourde charge à travers les
précipices et les sentiers de chèvres.
De toute façon, le trajet suivi par les quatre Parfaits n’est
pas mieux connu. On a proposé plusieurs itinéraires, et plusieurs relais
possibles. On a parlé du château d’Usson, des grottes d’Ussat et d’Ornolac, du
Razès. Quelle importance à tout cela ? Ils n’y sont point restés, et même
en admettant qu’ils aient rejoint une cachette sûre pour leur « trésor »,
le temps a passé, et les chercheurs de trésor risquent de nombreuses
désillusions s’ils prennent à la lettre tout ce qu’on raconte à ce sujet. Le
problème n’est pas tant de savoir où les Cathares ont caché le « trésor »
qu’ils ont emporté avec eux, mais plutôt de découvrir ce qu’ils avaient emporté.
Une mise au point s’impose. De temps à autre, des gens apparemment
bien intentionnés ameutent le public en déclarant bien haut qu’ils sont en
possession de documents secrets, ou qu’ils ont eu, par le plus grand des hasards,
communication de documents secrets. D’abord, ils se gardent bien de présenter
tout ou partie de ces documents secrets ou alors, s’ils le font, après s’être
fait longuement prier, on s’aperçoit vite que ces documents sont des faux :
récits truqués ou antidatés, chartes et généalogies fabriquées de toutes pièces,
témoignages invérifiables, dessins ou peintures qui sont des imitations ou des
falsifications, citations tronquées ou faussées par l’éloignement du contexte, et
bien d’autres escroqueries en tous genres.
Quand on nous présente des documents secrets , la première réaction qui s’impose est la
méfiance. Le propre des documents secrets , c’est
précisément d’être secrets . Cela devrait
suffire pour les écarter d’emblée, quitte à causer beaucoup de chagrin à leurs
découvreurs. Et puis, un simple raisonnement de bon sens devrait inciter à
examiner le point suivant : quand on veut que quelque chose demeure secret,
on s’arrange réellement pour ne pas laisser d’indices palpables et lisibles. N’importe
quel lecteur de roman d’espionnage le sait : un secret se transmet
oralement, très peu souvent sous forme écrite, et dans ce cas, on ne laisse pas
traîner, on détruit ce qui est écrit. Alors, qu’on nous fasse grâce des
documents secrets miraculeusement retrouvés et qui viennent à point étayer une
hypothèse pour laquelle on ne peut guère se battre que sur de simples
suppositions. Dans le domaine des sciences dites occultes, c’est encore plus
vrai que dans le domaine de l’Histoire proprement dite : et pourtant, les
archivistes savent très bien qu’une grande partie de leur matériel, pieusement conservé,
est composée de faux fabriqués de toutes pièces au cours des âges et selon les
circonstances.
Dans le cas des quatre Cathares évadés de Montségur, l’hypothèse
la plus logique et la plus vraisemblable serait de prétendre qu’ils avaient une
mission à remplir, que cette mission consistait à transmettre un certain nombre
d’indications secrètes à certaines personnes bien précises. Cette mission, ils
ont dû l’accomplir : ils ont transmis ce qui devait être transmis, et ils
se sont bien gardés d’en laisser des traces qui eussent pu être récupérées et
déchiffrées par les agents de l’Inquisition ou du pouvoir royal. C’est tout.
Mais cela n’empêche nullement d’établir des rapports entre
des faits troublants ou inexpliqués, des comparaisons, et finalement de
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