Morgennes
de la tête du serpent. Les deux coïncident.
— Il faut peut-être frapper la tête avec le marteau…
— La tête ou la queue ? demanda Morgennes, se souvenant de la prophétie des ophites, qui annonçait un important bouleversement pour le jour où la Tête et la Queue du Serpent s’embrasseraient.
— Elles ne font qu’une…, dit Alexis.
Guillaume de Tyr observa longuement Morgennes. Il semblait revenu d’entre les morts, tant il était couvert d’éraflures et de blessures, et tant sa barbe et ses cheveux avaient poussé, dans le plus grand désordre.
— Mais comment nous avez-vous retrouvés ? lui demanda-t-il. On vous dirait tout droit sorti des neuf Enfers !
— Vous n’êtes pas loin de la vérité… J’étais en route pour le Krak, où je savais que se trouvait Sa Majesté, lorsque des paysans m’ont renseigné…
— Allons, fit Amaury. N’embête pas Morgennes avec ce genre de d-d-détail. Pour l’instant, occupons-nous d’ouvrir cette porte.
Joignant le geste à la parole, Amaury se saisit du lourd marteau et l’abattit sur la tête du serpent. Un son puissant résonna dans toute la tombe, chassant les ombres aussi sûrement que si l’appel de la soupe avait été sonné à Saint-Pierre de Beauvais. Comme par magie, la tête et la queue du serpent se séparèrent, et le reptile coula sur les bords extérieurs du gong, y laissant un grand cercle de bronze.
Un chuintement se fit entendre au-dessus d’eux. La porte du septième caveau s’était ouverte, basculant probablement dans une fente placée sur le côté. L’escalier cédait la place à une petite estrade, où se trouvait un trône. Là, un squelette était assis – un squelette sans tête !
— Saint Georges est mort décapité, rappela Guillaume à ses trois compagnons, qui regardaient le squelette, les yeux écarquillés.
— Ce ne peut être que lui, dit Alexis. Saint Georges ! Il tient une épée dans ses mains ! Regardez-la, on dirait qu’elle brille !
— C-c-crucifère, souffla Amaury. Mon épée !
— N’oubliez pas, Majesté, murmura Morgennes, que cette épée ne doit en aucun cas être tirée du fourreau pour occire…
Il retenait Amaury par la main, et le roi le regarda, surpris.
— Pourquoi donc ?
— Celui qui vainc ne peut l’emporter par la force. Seul le pardon permet de triompher…
Il paraissait si convaincu qu’il était impossible de ne pas le croire. Mais comme Amaury paraissait hésiter, il se retourna vers l’entrée du tombeau, indiqua la série de fresques disposées le long de l’escalier, et ajouta :
— Avez-vous oublié ce que dit cette histoire ? Saint Georges n’a pas tué ! Jamais il ne permettra qu’un meurtrier ait son épée… Crucifère est une épée sainte. Elle ne peut appartenir qu’aux plus preux chevaliers, ceux qui, comme lui (fit-il en désignant le squelette), n’ont pas peur et savent pardonner.
Amaury baissa les yeux et déclara :
— Cela me va. C’est aussi ma philosophie. Car j’ai p-p-perdu le goût du sang, et quelle qu’en soit la couleur, je le trouve toujours mieux à battre dans un cœur qu’à désoiffer les vers de terre.
— Bien parlé, Majesté, dit Guillaume.
— Bien, et suffisamment. Car il est t-t-temps de vérifier si je suis digne de cette relique.
Amaury tendit la main vers le pommeau de Crucifère. En vérité, cette épée n’avait rien à voir avec le jouet que lui avait donné Palamède, peu avant le siège de Damiette. Elle était d’une longueur intermédiaire, à mi-chemin entre la lourde et longue épée à deux mains maniée par les chevaliers, et le glaive des soldats romains. Une cannelure creusée dans sa lame en allégeait le poids, et elle avait le bout et les côtés effilés, ce qui permettait de frapper de taille et d’estoc. Enfin, une sorte de médaille était insérée dans son pommeau. On y voyait une lune entourée d’un serpent se mordant la queue.
Sans savoir qu’il s’agissait du symbole des ophites, Amaury tendit la main vers l’épée, lorsque Morgennes l’arrêta :
— Attendez ! N’y touchez pas !
— Quoi encore ? s’énerva Amaury. À croire que tu n’as pas très envie d’être ad-d-oubé…
Morgennes ne commenta pas cette dernière remarque, se contentant d’insister :
— Demandez-la-lui.
— Comment ?
— Demandez à saint Georges la permission d’emprunter son épée. Ne la lui prenez pas. Pas sans son accord.
Alors, tandis
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