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[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

Titel: [Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Armée.
    Il dort à peine quelques heures tant il est impatient de retrouver l’activité des troupes. Il déjeune seul, se rend souvent à la baraque de soixante-dix mètres de long qui est construite sur la falaise d’Ordre. De là il aperçoit la mer, les frégates anglaises qui rôdent, les chaloupes canonnières.
    Il embarque à bord de l’une d’elles. Il va de navire en navire, salué par le cri trois fois lancé par l’équipage de « Vive le Premier consul ! Vive Napoléon Bonaparte ! » Le jour, il chevauche sur les falaises, malgré la pluie de novembre puis de décembre.
    La nuit, il fait manoeuvrer les troupes. Il assiste aux embarquements et aux débarquements dans les paquets de mer et l’obscurité. Quand il rentre à la baraque, il écrit à Cambacérès, parce qu’il éprouve le besoin de revivre ce qu’il a éprouvé, mais aussi parce qu’il faut communiquer à ceux qui sont restés à Paris l’énergie qui émane du camp de Boulogne.
    « Je suis baraqué au milieu du camp et sur les bords de l’océan, dicte-t-il. Je vois les côtes d’Angleterre comme on voit, des Tuileries, le Calvaire. On distingue les maisons et le mouvement. C’est un fossé qui sera franchi lorsqu’on aura l’audace de le tenter. J’ai lieu d’espérer que dans un temps raisonnable j’arriverai au but que l’Europe attend. Nous avons dix siècles d’outrages à venger. »
     
    Une nuit, par gros temps, il s’avance vers une chaloupe amarrée. Il vente fort et il pleut. Il regarde les officiers autour de lui qui baissent la tête. Il veut embarquer, dit-il, visiter la ligne d’embossage. Il saute dans la chaloupe, se place au centre, et aussitôt, les amarres lâchées, l’embarcation tangue, dérive et, au bout de quelques minutes, s’échoue sur un banc à quelques dizaines de mètres du rivage. Les vagues la recouvrent.
    Il reçoit de plein fouet les paquets de mer, s’efforçant de demeurer debout. Les marins se jettent à l’eau et, en se serrant, essaient de briser la force des vagues. Puis ils portent Napoléon sur leurs épaules, dans l’écume, jusqu’au rivage.
    Ils poussent des vivats, et les aides de camp, restés à terre, le regardent avec une sorte d’admiration craintive.
    Il faut qu’il soit cet homme-là, qui étonne, qui donne l’exemple, défie la mort. Plus tard dans la nuit, il dicte à nouveau pour Cambacérès quelques lignes : « J’ai passé toute la journée au port, en bateau et à cheval. C’est vous dire que j’ai été constamment mouillé. Dans la saison actuelle, on ne ferait plus rien si l’on n’affrontait pas l’eau ; heureusement que, pour mon compte, cela me réussit parfaitement et je ne me suis jamais si bien porté. »
     
    Les autres sont malades. Ainsi ce préfet du Palais, M. de Rémusat, venu à Boulogne et qui n’a pas supporté l’humidité du temps. Comment ces hommes se laissent-ils ainsi terrasser ?
    Il fait entrer dans le salon du château de Pont-de-Briques Mme de Rémusat, qui s’est rendue au chevet de son mari. Il compatit. Se souvient-elle de leur conversation sur la tragédie, Cinna  ?
    — Ici, dit-il, je ne me suis jamais si bien porté. La mer est horrible, et la pluie ne cesse de tomber, mais…
    Il change de ton, déclame :
    Je suis maître de moi comme de l’univers
    Je le suis, je veux l’être…
    Cinna , n’est-ce pas ?
    Il veut la voir, puisqu’elle est au camp de Boulogne. Il la convie dans sa baraque. Il aime la retrouver, après ses chevauchées, ses sorties en mer. Il se confie. Il la sent fascinée. Il raconte ses campagnes. Elle n’a que vingt-deux ans.
    — Le temps que j’ai passé en Égypte, dit-il, a été le plus beau de ma vie, car il a été le plus idéal…
    Elle l’écoute, conteste parfois ses idées.
    — Le style ne me frappe guère, dit-il, je ne suis sensible qu’à la force de la pensée. J’aime la poésie d’Ossian, parce que j’aime les vents et les vagues.
    Il s’approche d’elle. N’a-t-elle pas, comme lui, la passion de la vie ?
     
    Naturellement, Joséphine est jalouse, mais, après tout, n’est-ce pas son tour ? N’est-ce pas le mouvement naturel de la vie, qui fait se renverser les choses dans une révolution perpétuelle comme dans la mécanique céleste, chère à Laplace ? Il relit cette lettre que lui adresse Joséphine : « Voilà mon désir, mes voeux qui se réduisent tous à te plaire et à te rendre heureux. Oui, ma volonté est aussi de te

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