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[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

Titel: [Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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père l’a laissé seul, depuis l’école de Brienne, lorsqu’il était en butte aux moqueries de ses camarades. Depuis toujours, donc. Il ne devrait pas être surpris. Et cependant il voudrait autre chose. Parce qu’il continue de croire que les siens, sa famille, ceux pour lesquels il a tant fait, devraient l’aider, comprendre ce qu’il veut, se soumettre eux aussi, comme il le fait lui-même, à la grande loi supérieure du destin et de l’ambition. Mais c’est chaque fois la déception.
    Il répète : Mme Jouberthon ! Mlle Paterson !
    Georgina se rapproche, lui effleure l’épaule, mais elle cesse aussitôt. Il ne supporte même pas son contact. Seul. Voilà ce qu’il est.
    Mme Jouberthon, une femme divorcée, veuve d’un agent de change, femme légère, dit-on, et qui est devenue, parce qu’elle a épousé Lucien, une Mme Bonaparte !
    Mlle Paterson, une jeune Américaine de Baltimore, dont le représentant de la France aux États-Unis a annoncé que Jérôme Bonaparte, qui a abandonné le navire, s’est follement épris et compte l’épouser sous peu !
    Belle, grande famille Bonaparte ! Il avait d’autres desseins, d’autres rêves pour ses frères.
    Eh bien, il sera seul, il conduira seul sa destinée, sans aide, puisqu’on se refuse, dans sa famille, à soutenir ses projets. Espère-t-il, Lucien, qu’un enfant de Mme Jouberthon sera un jour son successeur ? Et Jérôme, qui n’a pas vingt ans, peut-on lui confier une fonction, alors qu’il va être le mari d’une demoiselle Paterson ? ! de Baltimore ? !
    Mais ne comprennent-ils donc pas que pour se faire accepter tel que l’on est, surgis de la Révolution, par ceux qui règnent, il faut au moins donner le change ? !
    Joséphine n’était pas vierge, non, mais elle était une Tascher de La Pagerie de Beauharnais ! Et son époux, général, avait été guillotiné !
    J’avais compris cela.
    Il est presque roi, et ses frères ne l’ont pas saisi !
    Comment fonder une dynastie avec de telles résistances, de tels aveuglements parmi les siens ? ! Pauline, heureusement, n’a pas pleuré longtemps le général Leclerc. Elle a reçu cinq cent mille francs de dot et épousé le prince Camille Borghèse. Un nom, des diamants, une fortune. Peut-être pas un mari dans son lit, mais le titre de princesse !
    Il se retourne. Il dit à Georgina qu’il aimerait l’entendre jouer Phèdre .
    Il monte sur l’escabeau, qu’il lui demande de faire rouler afin de chercher les oeuvres de Racine. Il récite :
    Quelles sauvages moeurs, quelle haine endurcie
    Pourrait en vous voyant n’être point adoucie ?
    Puis il descend avant d’avoir trouvé le volume.
    Il dit qu’il part demain pour Boulogne.
    Il prend une poignée de billets dans un tiroir de l’une des commodes, les glisse comme il en a l’habitude entre les seins de Georgina.
    Il lui caresse le dos cependant qu’elle quitte à pas lents la pièce.
    Il faut le vent de la mer, la vue des bateaux dans la rade de Boulogne, les vivats des soldats et des marins quand il monte à bord des navires, les soixante coups de canon que tire en son honneur le vaisseau de l’amiral Bruix, pour qu’enfin l’amertume s’efface, qu’il ne songe plus ni à Lucien ni à Jérôme, ni à tel ou tel de ces brigands de plume, écrivassiers de pamphlets, commères de salons, mégères enturbannées qui répandent des rumeurs.
    Ainsi cet « oiseau de mauvais augure », Mme de Staël, qui s’obstine à vouloir séjourner en France.
    Il a dicté, avant de quitter Paris pour Boulogne, deux courriers au Grand Juge Régnier, pour que la fille de M. Necker, « cette étrangère intrigante, ne reste pas en France, où sa famille a fait assez de maux », et dont l’arrivée, oui, comme un oiseau de mauvais augure, « a toujours été le signal de quelque trouble ».
    Qu’on la chasse .
    Qu’on emprisonne ce Charles Nodier qui multiplie les pamphlets contre moi, et s’il rencontre, s’il y est, dans les couloirs de Sainte-Pélagie le marquis de Sade, que j’y ai fait enfermer depuis mars 1801 parce qu’il était intolérable qu’il se moquât de Joséphine sous le nom de Zoloé, l’un de ses personnages dissolus, qu’ils parlent ensemble de moi s’ils veulent, mais derrière des barreaux.
    Changeons d’air. Oublions.
     
    Il aime le château de Pont-de-Briques, à quatre kilomètres de Boulogne, dont il a fait son quartier général à proximité des camps de la Grande

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