[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
comte d’Artois et du duc de Berry, on ne parle que d’expéditions en France. Ces MM. de Polignac, Armand et Jules s’en vont proclamer partout qu’ils vont défier le Premier consul Buonaparte.
C’est si simple, pour l’Angleterre, de payer des assassins, alors qu’il est impossible pour elle de battre la Grande Armée et qu’elle craint l’invasion.
Si je meurs, que reste-t-il de mon oeuvre ? Sans moi, tout peut s’effondrer. Sans moi, l’Angleterre est victorieuse .
On doit donc me tuer .
C’est la bataille qu’il faut affronter avant de livrer le combat des armées .
Napoléon s’est à nouveau arrêté de marcher dans la cour des Tuileries. Le vent tourbillonne. Il est glacial. Les visages sont rouges. Le froid s’insinue sous la redingote. Les doigts, malgré les gants, sont gourds. Mais il doit s’attarder, s’exposer aux exécutions.
Le royaliste Quérelle a parlé parce qu’il avait peur de mourir, qu’il tremblait à l’idée d’affronter les fusils du peloton d’exécution.
Je ne crains que la défaite .
Vais-je trembler pour une poignée de brigands ?
Il quitte la cour des Tuileries lentement.
Réal s’avance à sa rencontre. Il a le visage en sueur. Tout en marchant, Napoléon lui annonce qu’à partir d’aujourd’hui, ce 29 janvier 1804, Réal est chargé « sous la direction du Grand Juge, de l’instruction et de la suite de toutes les affaires relatives à la tranquillité de la République ».
Napoléon, de l’avant-bras, écarte les papiers qui se trouvent sur la table placée au centre de son cabinet de travail.
Plus rien ne compte à partir d’aujourd’hui que cette bataille. Non pour défendre sa vie. Le destin y pourvoira. Et il sent en lui tant de force et d’énergie, qu’il n’a pas d’inquiétude. On ne réussira pas à le tuer. Mais il faut extirper le mal, tout le mal. Trancher, car les conspirations sont une gangrène.
Cadoudal, selon Quérelle, a donc débarqué en France, il serait à Paris, avec une bande de chouans, pour s’emparer de ma personne, me tuer au terme d’une embuscade ?
Il faut que Quérelle dise tout. Qu’on retrouve, à partir de la falaise de Biville où les chouans débarquent entre Dieppe et Le Tréport, tous les gîtes où ils se sont abrités, les complices qui les ont aidés.
— Je veux tout. Les lieux, les hommes, toutes les branches de la conspiration. Tout.
Réal a été l’homme de Fouché. Même si celui-ci n’est plus ministre, il reste un allié précieux. C’est lui qui, il y a peu, parlait aussi de « l’air plein de poignards ». Il faut s’appuyer sur Fouché.
Je peux compter sur lui. Mais sur qui d’autre ?
Murat, gouverneur militaire de Paris depuis le 15 janvier. Le général Savary, commandant de la gendarmerie d’élite.
— Il faut qu’à chaque moment je sache, dit Napoléon à Réal. La chasse est ouverte. On a voulu faire de lui le gibier. On va savoir pour qui sonne l’hallali.
C’est un mois de février glacial. Napoléon se lève encore plus tôt que de coutume et se rend aussitôt dans son cabinet de travail aux Tuileries.
Le feu dans la cheminée ne cesse jamais.
Il reste parfois de longues minutes immobile, les mains placées au-dessus des flammes, les yeux fixes.
Les rapports de Réal s’entassent. Les messages de Savary se multiplient. Le général s’est rendu au lieudit la falaise de Biville. Ses gendarmes et lui se sont déguisés en paysans ou contrebandiers. La falaise est partagée par une faille qu’empruntent, à l’aide de cordes, les contrebandiers qui s’élèvent ainsi sur deux cents ou trois cents pieds. Le relief correspond point par point à ce qui a été décrit par Quérelle dans sa prison du Temple. On a arrêté un certain Troche, horloger à Eu, qui a assisté – et aidé – à trois débarquements. Il a servi de guide. Il ne connaît pas le nom des personnalités entrées en France, mais il s’agit de gens de qualité, et même de généraux. Il peut attester du débarquement de Cadoudal.
Cadoudal est donc bien en France depuis des semaines, caché à Paris.
Tout à coup la colère saisit Napoléon. Est-ce possible qu’on ne le trouve pas ?
Il se souvient de cette rencontre ici, aux Tuileries, avec ce chouan au corps de taureau, au visage énorme. Il se souvient de la brutalité de l’homme, de sa haine.
Il convoque Réal.
Que sait-on de plus ? Il veut qu’on lui envoie des courriers à chaque
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