[Napoléon 3] L'empereur des rois
s’est mise en route après le mariage par procuration et les fêtes données en son honneur à Vienne. Mais ce cortège de cent voitures mettra plus de dix jours pour parvenir jusqu’à Paris.
Et de savoir qu’elle s’approche alors qu’il est là à l’attendre est encore plus insupportable.
« J’espère que Votre Majesté recevra cette lettre à Brunau et même au-delà, écrit-il. Je compte les moments, les jours me paraissent longs ; cela sera ainsi jusqu’à celui où j’aurai le bonheur de vous recevoir… Croyez qu’il n’est personne sur la terre qui vous soit attaché et veuille vous aimer comme moi.
« Napoléon
« Le 10 mars 1810 »
De temps à autre il perçoit l’étonnement sur les visages des aides de camp, de son secrétaire, de ses soeurs. Il pourrait se contenter, pensent-ils sûrement, d’être satisfait de ce mariage politique. Il est maintenant allié comme un Bourbon aux Habsbourg. Cette union boucle le réseau qu’il a voulu tisser entre les membres de sa famille et les dynasties régnantes, celle de Wurtemberg pour Jérôme, de Bavière pour Eugène, de Pauline avec le prince Borghèse. Il est devenu le « frère », le « cousin » de tous ceux qui règnent en Europe.
— Je suis le neveu de Louis XVI, mon pauvre oncle, murmure-t-il devant le ministre des Relations extérieures, Champagny.
« Les principaux moyens dont se servaient les Anglais, poursuit-il, pour rallumer la guerre du continent, c’était de supposer qu’il était dans mes intentions de détrôner les dynasties. »
Il prise. Il a une grimace de mépris. Il faut être aveuglé pour penser cela. Ce qu’il a toujours voulu, c’est calmer cette mer rendue furieuse par la Révolution, l’assagir en gardant ce qu’elle avait fait naître, ces principes nouveaux, et cela, c’est le Code civil, mais il faut aussi la contenir par les principes monarchiques, l’Empire ou cette alliance avec les dynasties.
— Rien ne m’a paru plus propre à calmer les inquiétudes que de demander en mariage une archiduchesse autrichienne, reprend Napoléon.
« Jamais, insiste-t-il, nous n’avons été aussi proches de la paix. »
D’un geste rapide, il écarte les dépêches qui sont posées sur la table de travail. Il reste l’Espagne. Mais il compte s’y rendre, le mariage scellé. L’Italie, elle, est calme, le pape maté, réduit à ce qu’il doit être, un évêque dépouillé de tout pouvoir temporel. « Son royaume n’est pas de ce monde. » Et, quant à l’Église de France, elle sera gallicane, comme sous Louis XIV.
Il fait quelques pas, le visage tout à coup sombre. Reste le bel allié du Nord, Alexandre I er .
Le tsar est tombé dans le piège qu’il avait voulu me tendre .
Napoléon prend la dernière dépêche de Caulaincourt. L’ambassadeur, morose, demande son rappel. Il fait état du mécontentement russe.
— Je trouve ridicules les plaintes que fait la Russie ! s’exclame Napoléon. Le tsar me méconnaît lorsqu’il pense qu’il y a eu double négociation : je suis trop fort pour cela ! Ce n’est que quand il a été clair que l’empereur de Russie n’était pas maître dans sa famille et qu’il ne tenait pas les promesses faites à Erfurt que l’on a négocié avec l’Autriche, négociation qui a été commencée et terminée en vingt-quatre heures parce que l’Autriche avait envoyé toutes les autorisations à son ministre pour s’en servir dans l’événement.
On lui a livré Marie-Louise sans hésiter.
Mais il ne se contente pas d’un corps de jeune femme. Il veut son esprit, son coeur. Il a besoin, pour lui-même, de passion.
Comment peut-on vivre si on ne se donne pas tout entier, d’un seul élan à un projet ? Comment font-ils, les autres, à ne jamais vivre dans l’absolu d’un rêve ?
Il pense à cela en épuisant son corps dans la chasse ou bien en se rendant à des fêtes.
Il entre dans le magnifique hôtel du comte Marescalchi, ambassadeur du roi d’Italie – moi, Napoléon – auprès de l’Empereur – moi, Napoléon .
L’hôtel de Marescalchi, situé au coin de l’avenue Montaigne et de l’avenue des Champs-Élysées, est rempli d’une foule d’invités costumés et masqués. On s’observe pour essayer de se reconnaître.
Napoléon s’appuie au bras de Duroc. Tout à coup il étouffe, se retire dans un petit salon où se trouve un officier qu’il reconnaît, le chef d’escadron Marbot. De l’eau
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