[Napoléon 3] L'empereur des rois
glacée, vite, demande-t-il. Il défaille. Il s’asperge le front et la nuque. Une femme entre, interpelle Marbot.
— Il faut pourtant que je parle à l’Empereur, dit-elle. Il faut absolument qu’il double ma pension. Je sais bien qu’on a cherché à me nuire, que dans ma jeunesse j’ai eu des amants ! Eh ! parbleu, il suffit d’écouter ce qui se dit là-bas dans l’entre-deux des croisées pour comprendre que chacun y est avec sa chacune ! D’ailleurs, ses soeurs n’ont-elles pas des amants ? N’a-t-il pas des maîtresses, lui ? Que vient-il faire ici, si ce n’est pour causer plus librement avec de jolies femmes…
Napoléon se lève. Il passe devant la femme, déguisée en bergère avec une tresse blonde qui lui tombe jusqu’aux talons. Il veillera à ce qu’on éloigne cette bavarde insolente de Paris ! Il y a ainsi dans la capitale une dizaine d’acariâtres qui répandent leur venin.
C’est vrai qu’il est venu chez Marescalchi aussi parce que s’y trouvait, il le sait, Christine de Mathis. Mais cette vie-là doit être maintenant effacée, Marie-Louise doit être tenue dans l’ignorance de tout cela. Elle ne doit même pas penser qu’il a été avant elle l’époux d’une femme.
Il convoque Fouché.
Monsieur le régicide fait grise mine. Ses rapports de police continuent de prétendre que le peuple murmure contre l’Autrichienne. Et ses argousins font saisir les ouvrages qui exaltent le souvenir de Marie-Antoinette et de la famille royale. Il a fallu que je lui impose la création de six prisons d’État. Il a murmuré : Bastille ! Détention arbitraire ! Ne dois-je pas me défendre contre les tueurs, les adversaires résolus, décidés même à m’assassiner ?
Et maintenant, lui qui fut partisan du divorce, voici qu’il laisse les journaux évoquer à tout instant Joséphine .
— Je vous avais dit de faire en sorte que les journaux ne parlassent pas de l’Impératrice Joséphine, cependant ils ne font pas autre chose, dit Napoléon en saisissant un journal posé sur sa table. Encore aujourd’hui, Le Publiciste en est plein.
Il tourne le dos à Fouché, manière de le congédier.
— Veillez, lance-t-il, à ce que demain les journaux ne répètent pas cette nouvelle du Publiciste .
Il attend avec impatience que Fouché quitte le cabinet de travail. Il relit les dépêches que transmet le télégraphe de Strasbourg et qui annoncent que les cent voitures, les quatre cent cinquante chevaux qui composent la suite de Marie-Louise sont arrivés à Saint-Polten. La voiture de Marie-Louise est tirée par huit chevaux blancs. Et Caroline a pris place aux côtés de sa belle-soeur. À Vienne, il y a eu quelques troubles peu après le départ de Marie-Louise, quand on a appris l’exécution par les troupes françaises d’Andreas Hofer, le chef de l’insurrection tyrolienne.
Napoléon froisse la dépêche. Il veut la paix, mais on ne le fera pas plier. Même si rien ne doit gâcher ce mariage, compromettre les relations qu’il veut nouer avec sa femme.
Il écrit.
« Vous êtes à cette heure partie de Vienne. Je sens les regrets que vous éprouvez. Toutes vos peines sont les miennes. Je pense bien souvent à vous. Je voudrais deviner ce qui peut vous être agréable et me mériter votre coeur. Permettez-moi, Madame, d’espérer que vous m’aiderez à le gagner, mais à le gagner tout entier. Cette espérance m’est nécessaire et me rend heureux.
« Napoléon
« Le 15 mars 1810 »
Il ne peut plus attendre. Que fait-il aux Tuileries alors qu’il devrait être auprès de Marie-Louise, puisque le mariage par procuration a été conclu ? Elle devrait déjà être dans son lit.
Le mardi 20, il décide de quitter Paris pour le château de Compiègne. C’est là que Louis XVI a accueilli Marie-Antoinette.
Et moi, j’y recevrai en Empereur Marie-Louise .
Il veut que toute la cour soit à Compiègne et qu’Hortense et Pauline Borghèse soient à ses côtés.
Que Pauline vienne accompagnée de sa dame d’honneur, Christine de Mathis. Pourquoi pas ? Je suis seul, pour l’instant .
Mais d’être à Compiègne ne l’apaise pas.
Lorsque Murat l’y rejoint, il l’entraîne dans de longues chasses. Il pique son cheval au sang. Il veut être le premier de la course. Son énergie est inépuisable. Il met pied à terre, vise, tire. Et tout à coup il se lasse, rentre au château, écrit à Marie-Louise.
« J’ai fait une très belle chasse,
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