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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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des rues, dit Violette.
    Sur la verrière, la pluie crépite. En courant, Dante tenant
Violette par la main, ils vont vers les voitures, sautent dans un fiacre. La
pluie sur la bâche. Le cocher, une toile cirée sur la tête, se penche :
    — Alors matelot, c’est fini ?
    — Ça commence, répond Dante Revelli.
     
    1972 -
1.2.1975.

LE PALAIS DES FÊTES
    « Mon
fils, mon grand fils, nous allons fendre l’eau à lentes brassées. »
     
    VICTOR SERGE,
    Pour
un brasier dans un désert.

Première partie Le bal
1
    Il faut le temps.
    Dante Revelli ne l’avait compris qu’après quelques jours. Il
avait cru, d’abord, qu’il suffisait de poser son sac de marin sur les tommettes
rouges de la cuisine, d’enfouir la vareuse de laine bleue et les treillis au
fond du placard, dans le couloir, pour redevenir ce qu’il était avant, avant.
    — Raconte, raconte-moi, disait Vincente.
    Dante regardait son père. Raconter ? Quoi ? La
guerre ? Comme si…
    — Tu veux du café, Dante ?
    — Ça va ? Vous, ici ? interrogeait Dante.
    Eux avaient vécu. Lui, le hamac, cette toile rêche qui râpe
les bras, les pieds, les joues, qui vous enveloppe, et l’odeur d’huile chaude,
le halètement des bielles, le craquement de la coque, le destroyer qui gîte et
le hamac qui se balance, qu’on arrête mais le tuyau auquel on s’accroche brûle.
    — Fais du café, répétait le père.
    Louise, Violette – les sœurs – debout devant la
cuisinière, regardaient Dante. Louise s’essuyait les yeux, elle murmurait, et
Dante comprenait au mouvement des lèvres.
    — Tu es revenu, toi, disait Louise.
    Elle versait l’eau dans la cafetière, puis elle posait la
casserole. « Fais-le », chuchotait-elle à Violette, et elle
traversait la cuisine, tête baissée. Dante l’entendait crier dans le couloir :
« Lucien, Lucien. »
    — Il est beau, tu sais, disait Violette, elle a un beau
petit.
    — Il s’appelle…, commençait Vincente. Il prenait sa
pipe. C’est après, continuait-il en la gardant serrée entre ses dents, après
qu’à la mairie ils ont accepté les mariages avec ceux qui avaient été tués au
front. Il fallait faire des démarches, les parents de Millo voulaient, mais
Louise et nous, puisque le petit était déjà né, on n’a pas bougé. Alors,
Lucien, il s’appelle Revelli et pas Millo, voilà !
    Il haussait les épaules, Louise rentrait, portant l’enfant
dans les bras.
    — C’est Lucien, mon fils. Tu l’avais vu ?
    Dante secouait la tête, il prenait Lucien.
    — Lourd, il est lourd, disait-il.
    — Cinq ans, il les a eus, murmurait Louise.
     
    Il faut le temps.
    S’habituer comme si la ville était un bateau qu’on ne
connaît pas. Il faut le temps pour savoir comment trouver l’équilibre quand le
vent a déjà creusé la mer, mais qu’il change encore, fantasque, de force, de
direction, hautes lames, fossés qui se prolongent ou bien crêtes serrées, et le
bateau roule, tangue. Il faut le temps pour, d’instinct, profiter du creux et
se laisser glisser le long de l’échelle.
    Dante chez lui, rue de la République, face à eux, le père,
les sœurs, Antoine son frère, qui disait : « J’ai mis ta veste, elle
me va, je te la rends si tu veux. » Dante dans les rues de Nice, les
premières semaines après sa libération, et peut-être pendant tout l’hiver de
1920, avait eu peur de perdre l’équilibre, comme un matelot qui embarque et
qui, le goulet franchi, ressent l’effet des premières vagues, la nausée.
    Il avait ce mal du temps passé ailleurs, quand on revient et
que tout, d’abord, semble pareil, le porche, en bas, la cour et le filet d’eau
où le soleil se prend, le creux au centre des marches d’ardoise, la porte et
l’usure du bois, là où l’on pose la paume de la main, et les odeurs du feu, des
légumes qui mijotent, senteurs de poireaux et d’oignons. Comment croire que,
voilà sept années, sept années déjà que j’ai quitté la ville, et la guerre
s’est enfoncée comme un soc. Millo qui, il y a sept ans, serrait le bras de
Louise et l’entraînait vers l’épicerie de ses parents.
    L’épicerie Millo est toujours ouverte, les cageots de
tomates et de courgettes sur le trottoir, Millo, le père, silhouette aperçue,
courbée, rangeant des bouteilles, mais Millo le fils n’est plus qu’un nom qu’on
va graver dans le marbre, là-bas, face à la mer, sur le grand monument aux
morts qu’ils ont commencé à tailler dans

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