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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’ils nous ont donné de plus précieux, la
Victoire.
    Violette s’était immobilisée. Elle avait les pieds trempés,
glacés. À peine avait-elle fait quelques mètres dans la rue de la République,
que déjà l’eau avait traversé les semelles. Marseillaise, roulement de
tambour, le cortège s’ébranle. Violette suit, se faufile sous les arcades au
début de l’avenue. Un drapeau tricolore, une couronne de laurier, les feuilles
brillantes de pluie, entourent une plaque devant laquelle deux chasseurs,
l’arme sur l’épaule, montent la garde. Elle lit : « Avenue de la
Victoire ».
    Il pleut. Le béret des soldats est déformé, Violette se
laisse pousser, elle se trouve devant l’un d’eux, les gouttes glissent sur son
front, il la regarde, sourit, puis son visage à nouveau se crispe. Violette se
met à courir, le train est peut-être déjà arrivé. Musique encore, là-bas, plus
loin sur l’avenue ; entre les troncs humides des platanes dépouillés,
Violette aperçoit le cortège à nouveau immobilisé, des agents l’empêchent de
traverser. Mais elle se glisse entre leurs bicyclettes et ils laissent faire.
Elle court sur l’autre trottoir dépassant la musique dont les tambours roulent,
elle se trouve à la hauteur des personnalités, regarde, marche à leur pas. Elle
ne connaît ni le député Merani ni le commandant Ritzen et son fils Pierre, tous
deux en uniformes, qui avancent côte à côte. Merani a pris Ritzen par le bras
dès le moment où ils ont quitté la mairie pour cette longue succession d’inaugurations,
avenue de la Victoire, rue Paul-Déroulède, rue Georges-Clemenceau, square
Alsace-Lorraine, place du Président-Wilson, boulevard des Italiens. La ville
change ses noms de rues et de places.
    — Vous avez survécu aux tranchées, dit Merani à Ritzen,
j’espère qu’une bronchite ne vous emportera pas, ce serait comique.
    Ils sont au centre du groupe, Merani tenant le parapluie sur
l’épaule. Devant eux, le maire Girard, accompagné de sa femme, près de lui, le
général Tourmelin, monseigneur Charon, le Préfet.
    — Vous savez, continue Merani tout en marchant, je suis
persuadé qu’il va y avoir un grand bouleversement politique, c’est vous, vous
les hommes du front qui devez faire entendre votre voix, si vous le voulez.
    Clairon solitaire, comme une voix. Sonneries aux morts et le
silence que clôt un dernier souffle, puis les tambours, la voix de Girard :
    — Paul Déroulède a su préparer le pays aux sacrifices
et à la victoire, il est le…
     
    Violette s’était remise à courir laissant le cortège
derrière elle, atteignant la gare, traversant le terre-plein sous une pluie
oblique qui couchait les branches des palmiers, rebondissait sur la chaussée,
zébrant les flaques, achevant de la tremper jusqu’aux os. Si bien qu’elle
tremblait quand Dante la prit contre elle, qu’elle sentit l’odeur de laine de
sa vareuse.
    — On a envoyé la petite sœur pour le prisonnier, dit-il
en souriant.
    Il souleva son sac de matelot, le mit sur l’épaule. Il
paraissait plus grand d’être maigre. Le visage était fait d’angles. Pommettes,
menton, tempes, le front lui-même paraissait bosselé, les arcades sourcilières,
deux arêtes vives. Et les yeux, loin, loin.
    — Tu es maigre, dit Violette.
    — Comment ils vont ?
    — C’est Louise qui fait la cuisine.
    Violette marchait près de son frère.
    — Lucien, son petit, tu verras, il est beau, un diable.
    — Elle habite là ? demanda Dante.
    — Depuis…
    Elle s’arrête, elle contourne la mort de la mère, la salle
d’hôpital, la chapelle, elle dit seulement :
    — Tu comprends, elle peut, elle, elle ne travaille
plus, alors elle est revenue à la maison.
    Ils s’asseyent au buffet. Il lui commande un grog, il pose
son béret sur la table. Crâne rasé, angles encore.
    — Ça repousse, tu sais, dit Dante.
    Il la regarde. Elle porte ses cheveux rassemblés en un gros
chignon et ainsi, le visage dégagé, elle ressemble…
    — Tu as ? demande-t-il.
    — Presque dix-sept.
    Elle devait être ainsi, leur mère, avant.
    — On y va ? dit-il.
    Il enfonce son béret, soulève son sac d’un mouvement
brusque. Pluie, coups de vent, musique militaire qui semble proche et qui, tout
à coup, s’éloigne, les clairons plus vifs encore perceptibles, puis revient un
roulement de tambour, balayé bientôt.
    — Qu’est-ce qu’ils foutent ? demande Dante.
    — Ils changent les noms

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