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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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casquette.
    — Nous en avons peut-être pour quelques mois encore,
dit-il tout à coup, c’est comme ça.
    Sa voix est sèche.
    — Qu’est-ce que vous voulez faire ? continue-t-il.
    Il a vouvoyé Revelli, puis il hausse le ton.
    — Sois patient, sinon tu en prendras pour vingt ans
devant le conseil de guerre.
    Il s’éloigne en direction de la passerelle, revient.
    — Pas de folie Revelli, maintenant que la guerre est
finie, je vous l’ai dit, patience.
    Corfou, Salonique, patience, Malte, Bizerte, Corfou,
patience. Le Cavalier glisse à vitesse réduite entre les parois striées
de la roche vive, la drague laisse un remous comme une vague persistante qui
s’accroche à la coque. « Du mou au treuil, du mou nom de Dieu, tu dors
Revelli ? »
    Patience. Sur le faîte aride d’une colline des colonnes
brisées, fûts blancs, doigts recroquevillés, et plus haut, dans un amphithéâtre
de montagne deux ou trois constructions légères. De Jarrivon qui passe avec
Chaulanges « ces temples, voyez-vous, lieutenant… ».
    Patience. Dante met le treuil en route. Geste répété,
horaire des quarts, sifflet du second maître : « La drague à la mer. »
    — Ils se foutent de nous, dit Raffin, pourquoi on
rentre pas ? Qu’est-ce qu’ils veulent, qu’on saute, qu’on crève maintenant
que c’est fini ?
    Parfois pour éviter un coup de tabac ou pour embarquer de
l’eau potable, Le Cavalier jetait l’ancre dans une rade. Dante était
volontaire pour la baleinière ; il fallait souquer ferme, longtemps, la
grève qui paraissait proche était en fait à deux ou trois kilomètres et souvent
une houle légère rendait le trajet difficile. Mais Dante échappait à l’odeur
d’huile et de fumée du destroyer, il voyait d’autres visages, des paysans qui
tendaient leurs figues sèches couvertes de farine, enveloppées dans des
feuilles liées par un brin de paille. Pour un paquet de cigarettes, ils
donnaient des tomates et des oignons, des olives. Un pêcheur, maigre, la peau
tirée sur les os du visage, montrait quelques poissons. Dante glissait ces
fruits et ces légumes sous la vareuse, il chargeait les tonneaux d’eau, et il
fallait revenir au Cavalier, la baleinière vent debout, embarquant des
paquets de mer, le vent soulevant le col de toile du treillis de travail. Puis
le gabier tenant la baleinière loin de la coque, il fallait arrimer les
tonneaux aux palans, « hisse, hisse ». Enfin, entre les hamacs, le
soir, ces figues qui sentaient le laurier séché, et que Revelli et Raffin
mâchaient lentement.
    — Il paraît qu’on va en Russie, disait Raffin. Mermet a
reçu un message, tous les gros-culs sont là-bas, le France, le Jean-Bart, y a aussi le Vergniaud et le Mirabeau, la Justice.
    Constantinople, Batoum, Trébizonde. Coupoles, sommets dans une
lumière plus vive, pentes plus raides et l’air qui souffle parfois en rafales
est froid.
    Sébastopol, Odessa.
    — Moi, je marche pas, dit Raffïn, je les emmerde, j’en
veux plus.
    Il est descendu dans la machine, il gueule, la voix presque
couverte par la rumeur des bielles.
    — Ta gueule, dit Giocondi, va ailleurs, moi je veux pas
t’entendre.
    Revelli se laisse glisser le long de l’échelle, ses pieds
effleurant à peine les marches étroites de métal.
    — Sur le pont, les gars, venez voir, crie-t-il.
    Au fond de la rade de Sébastopol, la ville qui s’étage sur
les hauteurs. Entre Le Cavalier et la ville, la silhouette massive du
cuirassé France, ces tourelles empâtées, les mâts trapus, et plus loin
le Jean-Bart, les autres navires, un cargo.
    — T’entends, dit Revelli en bondissant sur le pont.
    Des clameurs, des chants qui proviennent de la plage arrière
du France. Tous les marins du Cavalier sont sur le pont,
regardant le cuirassé, on entend : « pas de charbon », « ni
demain ni lundi », puis des cris, des marins qui courent et qu’on aperçoit
entre les tourelles, sur la plage avant. Les marins du Jean-Bart se sont
mis eux aussi à crier, début de chant : « C’est la lutte finale… »
    Raffïn grimpe sur le bastingage, s’appuie aux épaules de
Revelli.
    — Merde, l’internationale.
    Le chant que la brise déchire.
    Raffin saute sur le pont, bondit sur le treuil :
    — Allez les gars, crie-t-il, vous entendez ?
    Nuit tombée. Sur le France, les lumières s’éteignent
l’une après l’autre, on aperçoit des silhouettes qui brisent les globes,
lancent « pas de lumière, y a

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