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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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carafe d’eau. On mange. Vous mangez un morceau, patron ?
    Sauvan, le charpentier, ne buvait pas. Et au temps de sa
jeunesse, Carlo non plus. La vieille logeuse – comment s’appelait-elle ?
Oberti – répétait : « Un ouvrier, ça doit boire, sinon… »
Carlo hésite. Il a une pièce dans son poing, il a envie de dire : « Buvez
demain », et de faire tinter la pièce sur la table de marbre.
    — Mais c’est moi qui invite, continue Sori.
    Carlo ouvre son poing dans sa poche. La pièce glisse au bout
de ses doigts. Il cligne de l’œil.
    — Mangez les gars… Pas faim.
    Carlo sort du Café de Turin, il traverse la place Garibaldi,
se souvient de cette fontaine à laquelle il s’était lavé le visage, le soir de
son arrivée à Nice, il y a, il y a… Il descend la rue Scaliero, entre dans le
bordel de la place Pelligrini. Une fille est là, blonde et haute. Il tend un
billet.
    — Fais-moi jouir, dit-il.
    La fille monte derrière lui, se penche vers la surveillante
assise derrière sa caisse. « Un vieux, dit-elle à voix basse, qu’est-ce
qu’il croit ? »
11
    Le vent pénétrait dans la bouche de Violette Revelli qui
avait le souffle coupé comme si elle avait avalé trop vite une boule glacée.
Depuis qu’elle était montée dans le side-car de Philippe Roux, qu’il avait pris
de la vitesse, et c’était la première fois que Violette voyait défiler sans
qu’elle pût les lire les enseignes de l’avenue de Verdun, les passants sans
qu’elle pût les reconnaître, la première fois qu’elle sortait seule avec
Philippe, qu’elle allait si vite, déjà la Promenade, Magnan, la Californie et
le pont du Var, déjà, et la distance franchie creusait le temps, comme si,
depuis des heures, ils avaient quitté la sortie des Galeries Lafayette, alors
qu’il n’y avait qu’une dizaine de minutes, mais comment savoir ? elle qui
n’avait l’habitude que du tramway, du fiacre de Barnoin, et il fallait une
heure au moins pour aller jusqu’au Var, depuis qu’elle était montée, depuis
leur départ, Violette ne retrouvait pas le rythme régulier de sa respiration.
    Elle se retournait pour échapper au vent, cette force
brutale inconnue qui lui ouvrait les lèvres, elle regardait derrière la moto
filer la chaussée. Mais elle voulait voir la route bondir vers elle, les
platanes de la Nationale 7 et les courbes jaillir à leur rencontre, alors elle
faisait face au vent qui s’infiltrait entre ses paupières, sous le corsage,
saisissait les seins, la taille, et Violette était obligée de tenir sa robe qui
se soulevait sur ses cuisses.
    Elle n’entendait plus le moteur du side-car, un roulement
simplement derrière la moto, comme un poursuivant qui s’approchait un instant
quand, dans un tournant, Philippe Roux changeait de vitesse. Durant quelques
secondes, après le creux inattendu du point mort, l’éclatement plus aigu ou
plus sourd du moteur les rejoignait, mais le side-car s’élançait, et de nouveau
le bruit s’éloignait.
    Philippe se penchait parfois, ses cheveux blonds comme des
algues couchées, ses yeux vert-bleu, loin derrière la surface des lunettes
entourées de caoutchouc qui s’enfonçaient dans ses joues, zébraient son front… Il
criait, décomposant les mots, ouvrant la bouche, montrant ses dents, sa gorge,
comme s’il avait voulu désespérément respirer. « Ça va ? Vous n’avez
pas peur ? » Elle n’entendait pas mais elle devinait, elle faisait
oui-non de la tête, puis, les bras tendus, les mains accrochées à la coque du
side-car, elle regardait droit devant elle, le corps parcouru de vibrations,
régime du moteur, cahots de la route, et peut-être aussi ce tremblement, un
frisson nerveux, qu’elle avait dominé jusqu’alors, et qui, la vitesse, le vent,
ou bien le tressautement de la machine, la reprenait, maintenant qu’elle
pouvait se laisser aller, que personne, même pas elle, ne saurait qu’elle avait
tremblé d’émotion.
    Elle avait décidé le matin, dans la cuisine, en les voyant,
ceux de sa famille. Elle les aimait, qui pouvait comprendre à quel point elle
les aimait ?
    Vincente, le père, qui mangeait sa soupe debout, le visage
amaigri, la barbe comme une fine pellicule blanche. « Tu te rases pas, papa ? »
demandait-elle. Il se passait la main à rebrousse-poil, il haussait les
épaules, levait les yeux vers elle. « Pour travailler, commençait-il, là
où je suis, on est… » Il prenait une louche d’eau dans le

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