No Angel
moment à l’autre. On l’avait laissée et on avait surveillé la maison.
Madame Provestgaard s’était bien gardée de nous dire que son fils avait juré de ne jamais retourner en prison et qu’il était allé tirer, avec son .38, dans les broussailles entourant Tucson.
Il rentra à moto. Tout le monde se précipita et il prit la fuite à pied. Je démarrai et dépassai tout le monde, alors que j’avais reçu l’ordre de rester à l’arrière. 4,6 secondes sur quarante mètres, ce n’est rien au sein de la NFL, mais c’est une vitesse folle pour un flic. Ce fut une vraie poursuite à pied, mais il connaissait le quartier et je le perdis. Je rejoignis l’équipe et tout le monde se moqua de moi, parce que j’étais théoriquement un athlète et n’avais pas été capable de rattraper un camé de soixante-quinze kilos en bottes de motard. Pas étonnant que je sois dans l’ATF et pas dans la NFL, ce genre de truc.
Pendant qu’on reprenait position, une voisine cria par sa fenêtre qu’elle venait de voir Provestgaard. On y alla.
Première erreur de bleu : même si on est hors d’haleine parce qu’on vient de poursuivre un délinquant, ne jamais, absolument jamais, ôter son gilet pare-balles lorsque l’action se calme pendant quelques instants.
C’était ce que j’avais fait.
L’équipe se répartit les tâches. Derrière notre patron bien-aimé, Larry Thomason, je traversai une bande de terrain broussailleux séparant la chaussée d’un lotissement. Hautes herbes et petits arbres partout. On passa devant la cachette de Provestgaard. Je surpris un mouvement du coin de l’œil mais il braqua son arme sur moi sans me laisser le temps de réagir.
— Lâche ton flingue, fils de pute !
Il n’en était pas question. Mon arme, un revolver Smith & Wesson .357, était en position : pointé vers le sol selon un angle de 45 degrés. Il tira le percuteur de son Rossi, et cria :
— Fils de pute, je te tuerai sur place. Lâche ce putain de flingue !
Je glissai mon revolver dans son étui et levai les mains. Thomason tira le chien de son arme. Il avait Provestgaard en ligne de mire, mais possédait un revolver à canon de cinq centimètres et se trouvait à dix mètres. Thomason savait qu’il risquait de me toucher s’il tirait. Il attendit. C’était la bonne décision, mais elle altéra gravement sa psyché : c’était un meneur d’hommes responsable, chargé d’enseigner les ficelles d’une profession dangereuse à un jeune, et il ne s’est jamais pardonné de ne pas avoir tiré. Je lui ai dit et répété que la faute m’incombait, mais il ne l’a jamais accepté.
Les autres, qui fouillaient la zone voisine, réagirent. Mellor arriva au volant de la Monte Carlo, et quand Provestgaard vit la voiture ses yeux, points lumineux d’une intensité sans fond, s’illuminèrent. Il allait s’en sortir.
Provestgaard tenait son arme à bout de bras. J’avais l’intention, quand il approcherait, de tirer sur son bras et de profiter du déséquilibre ainsi créé pour le désarmer. Ce plan échoua lamentablement quand il plaça le revolver contre sa hanche. Sans avoir eu le temps de réagir, je me retrouvai devant lui, son bras autour de mon cou, le canon froid du Rossi sur la tempe.
Je n’appréciais pas. Je m’aperçus soudain qu’il avait plu pendant la journée et que le désert dégageait la même odeur qu’un jardin bien entretenu ; ce parfum, dans mon imagination, était celui du paradis. J’espérai que je n’étais pas sur le point d’aller vérifier qu’il en était bien ainsi.
On est allés jusqu’à la voiture. Provestgaard m’a poussé sur le siège du conducteur et s’est glissé sur la banquette arrière sans cesser de braquer son revolver sur ma tête. Les agents de l’ATF nous entouraient, armes dégainées et parlant à cent à l’heure.
Provestgaard dit :
— Ferme la portière et roule, fils de pute !
Je n’obéis pas. Le moteur ne tournait pas. La clé était sur le contact. Il posa brutalement le canon à la naissance de mon cou. Je me demandais : faut-il que je roule, que je mette la ceinture et heurte un poteau télégraphique ? ou que je me fasse tirer dessus ici et laisse mes équipiers le buter ? ou que j’espère que l’un d’entre eux soit en mesure de tirer exactement à cette seconde ? ou que je m’allonge et tente d’éviter la trajectoire des balles qui vont sûrement frapper la Monte Carlo d’une minute à
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