Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
peuples qui y demeuraient précédemment. Ainsi, note-t-il à titre d’exemple, les peuples germaniques ont-ils conquis l’Europe au temps des Grandes Invasions.
Quelle erreur ! Les Goths, les Vandales, les Francs ont autant pillé et brûlé que les colons du Nouveau Monde pour réussir à asseoir leurs nouveaux royaumes, mais ils n’ont jamais cherché ensuite à éliminer les peuples dominés et à anéantir leur culture. Ils n’ont eu de cesse que de l’assimiler, ça change tout. Si les Blancs avaient agi envers les Indiens comme les Barbares avec le monde romain, le président des États-Unis siégerait aujourd’hui dans un tipi, fumerait le calumet de la paix, prierait le grand manitou et, notons-le par parenthèse, le monde n’en serait pas plus malheureux.
Soyons bien clairs, je n’essaie pas de transformer les Grandes Invasions en une aimable visite de gentils étrangers venus rendre au monde latin l’hommage qui lui était dû. Tous les témoignages effarés du temps le confirment, les invasions barbares ont charrié leur lot d’horreurs. Seulement, à l’aune d’une histoire longue, elles peuvent être considérées tout autant sous l’angle de la synthèse que sous celui de l’affrontement. Rome, en conquérant le monde celte, en avait pratiquement effacé les traces. Les Barbares, en vainquant Rome, s’y superposent, et ajoutent une couche de germanité, en quelque sorte, aux structures préexistantes. C’est là un maillon essentiel pour comprendre notre histoire.
Notons enfin, codicille particulier ajouté à ce chapitre très général, que sur certains territoires aujourd’hui français, les Grandes Invasions eurent des conséquences indirectes, mais déterminantes. C’est le cas de la région que nous appelons la Bretagne. Sous l’Empire romain, Britannia, province romanisée peu après la Gaule, désigne cette grande île de l’autre côté de la Manche où vivent les Bretons , c’est-à-dire des Celtes, comme les Gaulois. Les légions la quittent au tout début du v e et, comme partout ailleurs, les populations tentent de se défendre face à de farouches envahisseurs. Ceux-là sont des guerriers germaniques nommés les Jutes, les Angles et les Saxons, venus de ce qui est aujourd’hui le Nord de l’Allemagne et le Danemark.
Peu à peu, sous leur poussée, les Celtes sont acculés vers l’Ouest de l’île. Bientôt, il ne leur reste comme solution que de prendre la mer pour chercher refuge sur cette terre cousine avec laquelle ils échangeaient depuis longtemps : l’Armorique. Vous avez compris le transfert. La grande île devient donc la terre des Angles – autrement dit l’Angleterre – quand l’Armorique devient la petite Bretagne – c’est-à-dire la Bretagne –, et si, contrairement au reste de la Gaule, on n’y a jamais perdu l’usage d’une langue celte (le breton) c’est donc, par ce coup de billard, aux Anglais qu’on le doit. Les Bretons s’intégrèrent fort bien dans leur patrie nouvelle, ils y importèrent un christianisme très particulier, centré sur la paroisse et le culte d’hommes pieux, devenus ces innombrables saints bretons que l’on révère toujours aujourd’hui. Il n’empêche, ce petit moment d’histoire nous montre que l’idée que certains se font d’une Bretagne éternellement bretonne n’a aucun sens. Les Bretons furent, à un moment donné des siècles, des immigrés. Tous les peuples, direz-vous, le furent ou le seront. Est-il pour autant inutile de le rappeler ?
1 Samuel Eliot Morison, The Oxford History of the American People , New York, Oxford University Press, 1972.
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Clovis
Un roi franc n’est pas un roi de France
La postérité est capricieuse. Au v e siècle, sur les décombres de l’Empire ont fleuri en quelques décennies de nombreux royaumes tenus par ces peuples que les Romains méprisaient souverainement cent ans plus tôt. Les Ostrogoths tiennent ce qui est aujourd’hui l’Italie ; les Burgondes campent sur les rives de la Saône et du Rhône ; les Alamans sont à Bâle et Strasbourg ; les Wisigoths, depuis Toulouse, leur capitale, règnent sur la moitié de la Gaule et de l’Espagne. Cela fait autant de rois qui pouvaient se penser chacun comme les maîtres du monde nouveau. Excepté quelques érudits, qui sait encore leur nom ? Un seul émerge de cette période. À son avènement, vers 480, lorsque, selon la tradition de son peuple, ses guerriers le portent en l’acclamant sur
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