Odyssée
la main et lui dit ces paroles :
- Hypnos, roi de tous les Dieux et de tous les hommes, si jamais tu m'as écoutée, obéis-moi aujourd'hui, et je ne cesserai de te rendre gr‚ces.
Endors, sous leurs paupières, les yeux splendides de Zeus, dès que je serai couchée dans ses bras, et je te donnerai un beau thrône incorruptible, tout en or, qu'a fait mon fils Hèphaistos qui boite des deux pieds ; et il y joindra un escabeau sur lequel tu appuieras tes beaux pieds pendant le repas.
Et le doux Hypnos, lui répondant, parla ainsi :
- Hèrè, vénérable Déesse, fille du grand Kronos, j'assoupirai aisément tout autre des Dieux éternels, et même le fleuve Okéanos, cette source de toutes choses ; mais je n'approcherai point du Kroniôn Zeus et je ne l'endormirai point, à moins qu'il me l'ordonne. Déjà il m'a averti, gr‚ce à toi, le jour o˘ son fils magnanime naviguait loin d'Ilios, de la cité dévastée des Troiens. Et j'enveloppai doucement les membres de Zeus tempêtueux, tandis que tu méditais des calamités, et que, répandant sur la mer le souffle des vents furieux, tu poussais Hèraklès vers Koôs bien peuplée, loin de tous ses amis. Et Zeus, s'éveillant indigné, dispersa tous les Dieux par l'Ouranos ; et il me cherchait pour me précipiter du haut de l'Aithèr dans la mer, si Nyx qui dompte les Dieux et les hommes, et que je suppliais en fuyant, ne m'e˚t sauvé. Et Zeus, bien que très irrité, s'apaisa, craignant de déplaire à la rapide Nyx. Et maintenant tu m'ordonnes de courir le même danger !
Il parla ainsi, et la vénérable Hèrè aux yeux de boeuf lui répondit :
- Hypnos, pourquoi t'inquiéter ainsi ? Penses-tu que Zeus au large regard s'irrite pour les Troiens autant que pour son fils Hèraklès ? Viens, et je te donnerai pour épouse une des plus jeunes Kharites, Pasithéiè, que tu désires sans cesse.
[270] Elle parla ainsi, et Hypnos, plein de joie, lui répondit :
- Jure, par l'eau de Styx, un inviolable serment ; touche d'une main la terre et de l'autre la mer marbrée, et qu'ils soient témoins, les Dieux souterrains qui vivent autour de Kronos, que tu me donneras Pasithéiè que je désire sans cesse.
Il parla ainsi, et la déesse Hèrè aux bras blancs jura aussitôt comme il le désirait, et elle nomma tous les Dieux sous-tartaréens qu'on nomme Titans.
Et, après ce serment, ils quittèrent tous deux Lemnos et Imbros, couverts d'une nuée et faisant rapidement leur chemin. Et, laissant la mer à Lektos, ils parvinrent à l'Ida qui abonde en bêtes fauves et en sources, et sous leurs pieds se mouvait la cime des bois. Là, Hypnos resta en arrière, de peur que Zeus le vît, et il monta dans un grand pin né sur l'Ida, et qui s'élevait jusque dans l'Aithèr. Et il se blottit dans les épais rameaux du pin, semblable à l'oiseau bruyant que les hommes appellent Khalkis et les Dieux Kyiffindis.
Hèrè gravit rapidement le haut Gargaros, au faîte de l'Ida. Et Zeus qui amasse les nuées la vit, et aussitôt le désir s'empara de lui, comme autrefois, quand ils partagèrent le même lit, loin de leurs parents bienaimés. Il s'approcha et lui dit :
- Hèrè, pourquoi as-tu quitté l'Olympos ? Tu n'as ni tes chevaux, ni ton char.
Et la vénérable Hèrè qui médite des ruses lui répondit :
- Je vais voir, aux limites de la terre, Okéanos, origine des Dieux, et la maternelle Téthys, qui m'ont élevée et nourrie dans leurs demeures. Je vais les voir, afin d'apaiser leurs dissensions amères. Déjà, depuis longtemps, ils ne partagent plus le même lit, parce que la colère est entrée dans leur coeur. Mes chevaux, qui me portent sur la terre et sur la mer, sont aux pieds de l'Ida aux nombreuses sources, et c'est à cause de toi que j'ai quitté l'Olympos, craignant ta colère, si j'allais, en te le cachant, dans la demeure du profond Okéanos.
Et Zeus qui amasse les nuées lui dit :
- Hèrè, attends et tu partiras ensuite, mais couchons-nous pleins d'amour.
Jamais le désir d'une déesse ou d'une femme n'a dompté ainsi tout mon coeur. Jamais je n'ai tant aimé, ni l'épouse d'Ixiôn, qui enfanta Peirithoos semblable à un Dieu par la sagesse, ni la fille d'Akrisiôn, la belle Danaè, qui enfanta Perseus, le plus illustre de tous les hommes, ni la fille du magnanime Phoinix, qui enfanta Minôs et Rhadamanthès, ni Sémélè
qui enfanta Diônysos, la joie des hommes, ni Alkmènè qui enfanta aussi dans Thèbè mon robuste fils Hèraklès, ni la reine
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