Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
vendu des matelas ; mais je m'arrête, tant d'horreurs font rougir d'être Français. La ville de Crémone a fourni plus de cinquante mille aunes de toile fine pour les hôpitaux, que ces fripons ont vendue : ils vendent tout.
Vous avez calculé sans doute que vos administrateurs voleraient, mais qu'ils feraient le service et auraient un peu de pudeur : ils volent d'une manière si ridicule et si impudente, que, si j'avais un mois de temps, il n'y en a pas un qui ne pût être fusillé. Je ne cesse d'en faire arrêter et d'en faire mettre au conseil de guerre ; mais on achète les juges : c'est ici une foire, tout se vend. Un employé accusé d'avoir mis une contribution de 18,000 fr. sur Salo, n'a été condamné qu'à deux mois de fers. Et puis comment voulez-vous prouver ? ils s'étayent tous.
Destituez ou faites arrêter le commissaire ordonnateur Gosselin ; destituez les commissaires dont je vous envoie la note. Il est vrai qu'ils ne demandent peut-être pas mieux.
Venons aux agens de l'administration.
Thevenin est un voleur, il affecte un luxe insultant : il m'a fait présent de plusieurs très-beaux chevaux dont j'ai besoin, que j'ai pris, et dont il n'y a pas eu moyen de lui faire accepter le prix.
Faites-le arrêter et retenir six mois en prison ; il peut payer 500,000 fr. de taxe de guerre en argent : cet homme ne fait pas son service. Les charrois sont pleins d'émigrés, ils s'appellent royal charrois, et portent le collet vert sous mes yeux ; vous pensez bien que j'en fais arrêter souvent, mais ils ne sont pas ordinairement où je me trouve.
Sonolet, agent des vivres jusqu'aujourd'hui, est un fripon : l'agence des vivres avait raison.
Ozou est un fripon et ne fait jamais son service.
Collot fait son service avec exactitude, il a du zèle et plus d'honneur que ces coquins-là.
Le nouvel agent qui a été envoyé par Cerf-Beer paraît meilleur que Thevenin. Je ne vous parle ici que des grands voleurs. Diriez-vous que l'on cherche à séduire mes secrétaires jusque dans mon antichambre ? Les agens militaires sont tous des fripons. Un nommé Valeri est en jugement à Milan, les autres se sont sauvés.
Le citoyen Faypoult, votre ministre ; Poussielgue, secrétaire ; et Sucy, commissaire ordonnateur, honnêtes hommes, sont témoins des friponneries que commet la compagnie Flachat à Gênes ; mais je suis obligé de partir demain pour l'armée ; grande joie pour tous les fripons qu'un coup d'oeil sur l'administration m'a fait connaître.
Le payeur de l'armée est un honnête homme, un peu borné ; le contrôleur est un fripon, témoin sa conduite à Bologne.
Les dénonciations que je fais, sont des dénonciations en âme et conscience comme jury. Vous sentez que ce n'est pas dans ma place et avec mon caractère que je vous les dénoncerais, si j'avais le temps de ramasser des preuves matérielles contre chacun d'eux : ils se couvrent tous.
Desgranges, agent des vivres, est intelligent ; mais il nous faudrait ici Saint-Maime, homme de mérite et de considération :
le service se ferait, et vous épargneriez plusieurs millions : je vous prie de nous l'envoyer. Enfin il faudrait pour agens non pas des tripoteurs d'agiotage, mais des hommes qui eussent une grande fortune et un certain caractère. Je n'ai que des espions. Il n'y a pas un agent de l'armée qui ne désire notre défaite, pas un qui ne corresponde avec nos ennemis ; presque tous ont émigré sous des prétextes quelconques ; ce sont eux qui disent notre nombre et qui détruisent le prestige : aussi je me garde plus d'eux que de Wurmser ; je n'en ai jamais avec moi ; je nourris pendant les expéditions mon armée sans eux, mais cela ne les empêche pas de faire des comptes à leur manière.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Modène, le 26 vendémiaire an 5 (17 octobre 1796).
Au directoire exécutif.
Je vous ai rendu compte, citoyens directeurs, que j'avais formé une colonne mobile à Tende contre les barbets ; elle remplit parfaitement sa tâche. Les barbets sont mis de tous côtés en déroute, plusieurs de leurs chefs ont été fusillés. Le général Garnier, qui commande cette colonne mobile, montre beaucoup de zèle et se donne beaucoup de mouvement.
Les maladies continuent toujours, mais jusqu'à cette heure elles n'ont pas fait de grands ravages.
Je vous avais demandé dans ma dernière lettre vingt-cinq mille fusils ; mais en ayant trouvé soixante-quatre mille à Livourne, appartenant au roi d'Espagne, j'en
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