Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
compagnie Flachat, en ce qu'il aurait un détail exact, une comptabilité sûre de tout ce qu'il aurait remis et des lettres de change qui sont tirées.
Enfin, vos commissaires font de beaux tableaux, qui ne s'accordent ni avec ceux du payeur, ni avec ceux de la compagnie Flachat : pourquoi ? C'est que la comptabilité est une science à part ; elle exige un travail à part et une attention réfléchie : d'ailleurs, peut-être penserez-vous qu'il convient de ne pas donner une comptabilité de détails à des hommes qui ont une responsabilité morale et politique.
Si, suivant l'esprit de vos instructions, vos commissaires ne doivent que surveiller, il faut que jamais ils n'agissent ; et il y a, en général, une présomption défavorable contre ceux qui manient de l'argent.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Depuis que je suis à Milan, citoyens directeurs, je m'occupe à faire la guerre aux fripons ; j'en ai fait juger et punir plusieurs : je dois vous en dénoncer d'autres. En leur faisant une guerre ouverte, il est clair que j'intéresse contre moi mille voix, qui vont chercher à pervertir l'opinion. Je comprends que, s'il y a deux mois, je voulais être duc de Milan, aujourd'hui je voudrai être roi d'Italie ; mais, tant que mes forces et votre confiance dureront, je ferai une guerre impitoyable aux fripons et aux Autrichiens.
La compagnie Flachat n'est qu'un ramassis de fripons sans crédit réel, sans argent et sans moralité : je ne serai pas suspect pour eux, car je les croyais actifs, honnêtes et bien intentionnés ; mais il faut se rendre à l'évidence.
1°. Ils ont reçu quatorze millions, ils n'en ont payé que six, et ils refusent d'acquitter les mandats donnés par la trésorerie, à moins de quinze ou vingt pour cent. Ces honteuses négociations se font publiquement à Gênes. La compagnie prétend qu'elle n'a pas de fonds ; mais, moyennant cet honnête profit, elle consent à solder le mandat.
2°. Ils ne fournissent aucune bonne marchandise à l'armée ; les plaintes me viennent de tous côtés ; ils sont même fortement soupçonnés d'avoir fait pour plus de quatre-vingt mille quintaux de blé en versemens factices, en corrompant les garde-magasins.
3°. Leur marché est onéreux à la république, puisqu'un million, qui pèse, en argent, dix mille livres, serait transporté par cinq ou six voitures, et en poste, pour cinq à six mille francs, tandis qu'il en coûte près de cinquante mille, la trésorerie leur ayant accordé dans son marché cinq pour cent. Flachat et Laporte ont peu de fortune et aucun crédit ; Peregaldo et Payen sont des maisons ruinées et sans crédit ; cependant, c'est à la réunion de ces quatre noms que l'on a confié tous les intérêts de la république en Italie. Ce ne sont pas des négocians, mais des agioteurs, comme ceux du Palais-Royal.
4°. Peregaldo, né à Marseille, s'est désavoué d'être Français ; il a renié sa patrie et s'est fait Génois : il ne porte pas la cocarde, il est sorti de Gênes avec sa famille, répandant l'alarme en disant que nous allions bombarder Gênes. Je l'ai fait arrêter et chasser de la Lombardie. Devons-nous souffrir que de pareilles gens, plus mal intentionnées et plus aristocrates que les émigrés mêmes, viennent nous servir d'espions, soient toujours avec le ministre de Russie à Gênes, et s'enrichissent encore avec nous ?
Le citoyen Lacheze, consul à Gênes, est un fripon : sa conduite à Livourne, en faisant vendre des blés à Gênes à vil prix, en est la preuve.
Les marchandises ne se vendent pas à Livourne. Je viens de donner des ordres à Flachat de les faire vendre ; mais je parie que, grâce à tous ces fripons réunis, cela ne rendra pas deux millions : ce qui devrait en rendre sept au moins.
Quant aux commissaires des guerres, hormis Denniée, ordonnateur en chef, Boinod, Mazad et deux ou trois autres, le reste n'est que des fripons : il y en a trois en jugement ; ils doivent surveiller, et ils donnent les moyens de voler, en signant tout.
Il faut nous en purger, et nous en renvoyer de probes, s'il y en a ; il faudrait en trouver qui eussent déjà de quoi vivre.
Le commissaire ordonnateur Gosselin est un fripon : il a fait des marchés de bottes à trente-six livres, qui ont été renouvelés depuis à dix-huit livres.
Enfin, vous dirai-je qu'un commissaire des guerres, Flack, est accusé d'avoir vendu une caisse de quinquina que le roi d'Espagne nous envoyait ? D'autres ont
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