Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
vouloir passer la Piave pour s'établir sur la Brenta ; je le laisse s'engager : les pluies, les mauvais chemins, les torrens m'en rendront bon compte.
Nous verrons comme cela s'engagera. Je vous prie de me dire la conduite que je dois tenir à Trieste, si jamais, après la saison des pluies et une bonne victoire, j'étais obligé de porter la guerre dans le Frioul. Si vous pouviez envoyer trois frégates dans l'Adriatique, elles seraient utiles dans toutes les hypothèses.
La paix avec Naples et Gênes, notre situation avec les peuples, et les troupes que vous annoncez, vous assurent l'Italie, si elles arrivent. La vingt-neuvième demi-brigade, partie de Paris, forte de 4,000 hommes, est arrivée ici à 1100. Si Willot ne retient que 2,000 hommes, la quatre-vingt-troisième devrait déjà être en marche. Cette très-bonne demi-brigade est forte de 2,500 hommes : elle se repose depuis un an ; elle devrait, selon mes ordres, être déjà à Nice. Si je l'ai avant les grands coups, comme il paraît que j'aurai la quarantième, j'espère non-seulement battre les Autrichiens, prendre Mantoue, mais encore prendre Trieste, obliger Venise à faire ce que l'on voudra, et planter nos drapeaux au Capitole.
Il sera nécessaire d'envoyer en Corse au moins 1200 hommes ; il serait bon que quelques frégates se rendissent à Ajaccio et à Saint-Florent, pour se faire voir.
Si vous envoyez quelques frégates dans l'Adriatique, il serait bon qu'un officier de l'équipage vînt se concerter avec moi pour choisir un point pour les protéger et de correspondance.
Il serait bon qu'une grosse gabarre vînt à l'embouchure du Pô, je la chargerais de chanvre et de bois de construction : elle pourrait en place nous apporter trois mille fusils, dix mille baïonnettes, deux mille sabres de chasseurs et de hussards, quatre mille obus de six pouces, mille boulets de 12, et six mille boulets de 18 : ce sont des choses dont nous avons toujours besoin. Je ne vois que ce moyen pour que la marine ait bientôt des approvisionnemens, qui sont abondans dans le Ferrarais et la Romagne. Si l'on craint de manquer de blé au printemps, l'on peut envoyer des bateaux à l'embouchure du Pô, je ferai filer tout le blé que l'on voudra.
Les neiges tombent, cela n'empêche pas de se battre dans le Tyrol. Il ne sera pas impossible que j'évacue Trente : j'en serais fâché, les habitans nous sont très-affectionnés ; je ne le ferai qu'au moment où cela sera utile : je n'y pense pas encore.
Wurmser est à la dernière extrémité ; il manque de vin, de viande et de fourrage ; il mange ses chevaux et a quinze mille malades. Il a trouvé le moyen de faire passer à Vienne la proposition que je lui ai faite. Je crois que nous serons bientôt aux mains ici : dans cinq décades, Mantoue sera pris ou délivré. S'il m'arrive seulement la quatre-vingt-troisième et la quarantième, c'est-à-dire, cinq mille hommes, je réponds de tout ; mais, une heure trop tard, ces forces ne seront plus à temps. Si j'étais forcé de me replier, Mantoue serait secouru.
Je fais travailler à force à fortifier Pizzighitone et le château de Tresso, sur l'Adda, ainsi que nos deux ponts sur le Pô.
Six cents matelots ou soldats faits prisonniers par les Anglais sont arrivés de Bastia à Livourne.
Lorsque vous enverrez des troupes en Corse, je crois que vous ferez bien de ne choisir, pour y commander, aucun général ni commandant de place, de ce pays.
On a le projet, à ce que j'apprends, de donner une amnistie générale en Corse : il faut, à ce que je crois, en excepter : 1°. les quatre députés qui ont porté la couronne à Londres ; 2°. les membres du conseil d'état du vice-roi, composé de six personnes ; enfin les émigrés, qui étaient portés comme tels sur les registres du département. Je crois que c'est la seule mesure de rendre l'amnistie sûre, cela n'en exceptera que douze ou quinze ; sur tant de coupables, c'est être indulgent.
J'ai fait arrêter à Livourne le citoyen Panalieri, secrétaire de Paoli, arrivant de Londres, et venant de nouveau intriguer.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Il paraît, citoyens directeurs, par votre lettre de vendémiaire, que les savans et artistes se sont plaints d'avoir manqué de quelque chose : il serait très-ingrat de notre part de ne pas leur donner tout ce qui leur est nécessaire, car ils servent la république avec autant de zèle que de succès, et je vous prie de croire que, de mon côté,
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