Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
l'aristocratie, ces hommes ne peuvent plus être appelés aux fonctions de l'état ; la justice le permet et la politique l'ordonne, tout comme l'une et l'autre vous ordonnent de ne pas priver des droits de citoyen ce grand nombre d'hommes qui sont si utiles à votre patrie.
Le port franc est une pomme de discorde que l'on a jetée au milieu de vous. Autant il est absurde que tous les points de la république prétendent à la franchise du port, autant il pourrait être inconvenant et paraître un privilége d'acquisition de laisser la franchise du port à la ville de Gênes seule.
Le corps législatif doit avoir le droit de déclarer la franchise pour deux points de la république ; la ville de Gênes ne doit tenir la franchise de son port que de la volonté du corps législatif, mais le corps législatif doit la lui donner.
Pourquoi le peuple ligurien est-il déjà si changé ? À ces premiers élans de fraternité et d'enthousiasme ont succédé la crainte et la terreur : les prêtres s'étaient, les premiers, ralliés autour de l'arbre de la liberté ; les premiers, ils vous avaient dit que la morale de l'Evangile est toute démocratique ; mais des hommes payés par vos ennemis, dans les révolutions de tous les pays, auxiliaires immédiats de la tyrannie, ont profité des écarts, même des crimes de quelques prêtres, pour écrire contre la religion, et les prêtres se sont éloignés.
Une partie de la noblesse a été la première à donner l'éveil au peuple et à proclamer les droits de l'homme ; l'on a profité des écarts, des préjugés ou de la tyrannie passée de quelques nobles ; l'on a proscrit en masse, et le nombre de vos ennemis s'est accru.
Après avoir ainsi fait planer les soupçons sur une partie des citoyens, et les avoir armés les uns contre les autres, on a fait plus, on a divisé les villes contre les villes. On vous a dit que Gênes voulait tout avoir, et tous les villages ont prétendu avoir le port franc ; ce qui détruirait les douanes, et rendrait impossible la conservation de l'état.
La situation alarmante où vous vous trouvez est l'effet des sourdes menées des ennemis de la liberté et du peuple ; méfiez-vous de tout homme qui veut exclusivement concentrer l'amour de la patrie dans ceux de sa cotterie. Si son langage a l'air de défendre le peuple, c'est pour l'exaspérer et le diviser. Il dénonce sans cesse, lui seul est pur. Ce sont des hommes payés par les tyrans, dont ils secondent si bien les vues.
Quand, dans un état (surtout dans un petit), l'on s'accoutume à condamner sans entendre, à applaudir d'autant plus à un discours, qu'il est plus furieux ; quand on appelle vertu l'exagération et la fureur, et crime la modération, cet état-là est près de sa ruine.
Il en est des états comme d'un bâtiment qui navigue, et comme d'une armée ; il faut de la froideur, de la modération, de la sagesse, de la raison dans la conception des ordres, commandemens ou lois, et de l'énergie et de la vigueur dans leur exécution.
Si la modération est un défaut, et un défaut très-dangereux pour les républiques, c'est d'en mettre dans l'exécution des lois sages ; si les lois sont injustes, furibondes, l'homme de bien devient alors l'exécuteur modéré ; c'est le soldat qui est plus sage que le général : cet état-là est perdu.
Dans un moment où vous allez vous constituer en un gouvernement stable, ralliez-vous ; faites trêve à vos méfiances, oubliez les raisons que vous croiriez avoir pour vous désunir, et, tous d'accord, organisez votre gouvernement.
J'avais toujours désiré pouvoir aller à Gênes, et vous dire moi-même ce que je ne puis ici que vous écrire : c'est le fruit de l'expérience acquise au milieu des orages de la révolution du grand peuple, et que confirment l'histoire de tous les temps et votre propre exemple.
Croyez que dans tous les lieux où mon devoir et le service de ma patrie m'appelleront, je regarderai comme un des momens les plus précieux celui où je pourrai être utile à votre république, et comme ma plus grande satisfaction d'apprendre que vous vivez heureux, unis, et que vous pouvez, dans tous les événemens, être, par votre alliance, utiles à la grande nation, à qui vous devez la liberté et un accroissement de population de près de cent mille ames.
BONAPARTE.
Au peuple cisalpin.
Citoyens,
À compter du 1er frimaire, votre constitution se trouvera en pleine activité.
Votre directoire, votre corps
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