Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
de France, nous n'avions pas vu d'orage.
Nous couchâmes le 10 a Eswod, l'ancienne Azot.
Nous couchâmes le 11 à Ramleh ; l'ennemi l'avait évacué avec tant de précipitation, qu'il nous laissa cent mille rations de biscuit, beaucoup plus d'orge, et quinze cents outres que Djezzar avait préparées pour passer le désert.
Siège de Jaffa.
La division Kléber investit d'abord Jaffa, et se porta ensuite sur la rivière de la Hhayah, pour couvrir le siége ; la division Bon investit les fronts droits de la ville, et la division Lannes les fronts gauches.
L'ennemi démasqua une quarantaine de pièces de canon de tous les points de l'enceinte, desquelles il fit un feu vif et soutenu.
Le 16, deux batteries d'approche, la batterie de brèche, une de mortiers, étaient en état de tirer. La garnison fit une sortie ; on vit alors une foule d'hommes diversement costumés, et de toutes les couleurs, se porter sur la batterie de brèche : c'étaient des Maugrabins, des Albanais, des Kurdes, des Natoliens, des Caramaniens, des Damasquyns, des Alepins, des noirs de Tekrour ; ils furent vivement repoussés, et rentrèrent plus vite qu'ils n'auraient voulu. Mon aide-de-camp Duroc, officier en qui j'ai grande confiance, s'est particulièrement distingué.
À la pointe du jour, le 17, je fis sommer le gouverneur ; il fit couper la tête à mon envoyé, et ne répondit point. À sept heures, le feu commença ; à une heure je jugeai la brèche praticable. Le général Lannes fit les dispositions pour l'assaut ; l'adjoint aux adjudans-généraux, Netherwood, avec dix carabiniers, y monta le premier et fut suivi de trois compagnies de grenadiers de la treizième et de la soixante-neuvième demi-brigade, commandées par l'adjudant-général Rambaud, pour lequel je vous demande le grade de général de brigade.
À cinq heures, nous étions maîtres de la ville, qui, pendant vingt-quatre heures, fut livrée au pillage et à toutes les horreurs de la guerre, qui jamais ne m'a paru si hideuse.
Quatre mille hommes des troupes de Djezzar ont été passés au fil de l'épée ; il y avait huit cents canonniers : une partie des habitans a été massacrée.
Les jours suivans, plusieurs bâtimens sont venus de Saint-Jean d'Acre avec des munitions de guerre et de bouche ; ils ont été pris dans le port :
ils ont été étonnés de voir la ville en notre pouvoir ; l'opinion était qu'elle nous arrêterait six mois.
Abd-Oullah, général de Djezzar, a eu l'adresse de se cacher parmi les gens d'Égypte, et de venir se jeter à mes pieds.
J'ai renvoyé à Damas et à Alep plus de cinq cents personnes de ces deux villes, ainsi que quatre a cinq cents personnes d'Égypte.
J'ai pardonné aux mameloucks et aux kachefs que j'ai pris à El-Arich ; j'ai pardonné à Omar Makram, cheikh du Caire ; j'ai été clément envers les Égyptiens, autant que je l'ai été envers le peuple de Jaffa, mais sévère envers la garnison qui s'est laissé prendre les armes à la main.
Nous avons trouvé à Jaffa cinquante pièces de canon, dont trente formant l'équipage de campagne, de modèle européen, et des munitions, plus de quatre cent mille rations de biscuit, deux mille quintaux de riz, et quelques magasins de savon.
Les corps du génie et de l'artillerie se sont distingués.
Le général Caffarelli, qui a dirigé ces sièges, qui a fait fortifier les différentes places de l'Égypte, est officier recommandable par une activité, un courage et des talens rares.
Le chef de brigade du génie Samson a commandé l'avant-garde qui a pris possession de Cathieh, et a rendu dans toutes les occasions les plus grands services.
Le capitaine du génie Sabatier a été blessé au siége d'El-Arich.
Le citoyen Aimé est entré le premier dans Jaffa, par un vaste souterrain qui conduit dans l'intérieur de la place.
Le chef de brigade Songis, directeur du parc d'artillerie, n'est parvenu à conduire les pièces qu'avec de grandes peines ; il a commandé la principale attaque de Jaffa.
Nous avons perdu le citoyen Lejeune, chef de la vingt-deuxième d'infanterie légère, qui a été tué a la brèche : cet officier a été vivement regretté de l'armée ; les soldats de son corps l'ont pleuré comme leur père. J'ai nommé à sa place le chef de bataillon Magni, qui a été grièvement blessé. Ces différentes affaires nous ont coûté cinquante hommes tués et deux cents blessés.
L'armée de la république est maître de toute la Palestine.
BONAPARTE.
FIN
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