Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
furent établies comme je vous l'ai annoncé dans la journée du 23 floréal, pour raser le palais de Djezzar et détruire les principaux monumens d'Acre : elles jouèrent pendant soixante-douze heures, et remplirent l'effet que je m'étais proposé : le feu fut constamment dans la ville.
La garnison désespérée fit une sortie le 27 floréal : le général de brigade Verdier était de tranchée ; le combat dura trois heures. Le reste des troupes arrivées le 19 de Constantinople, et exercées à l'européenne, débouchèrent sur nos tranchées en colonnes serrées ; nous repliâmes les postes que nous occupions sur les remparts : par là les batteries de pièces de campagne purent tirer à mitraille à quatre-vingts toises sur les ennemis. Près de la moitié resta sur-le-champ de bataille : alors nos troupes battirent la charge dans nos tranchées ; on poursuivit l'ennemi jusque dans la ville la baïonnette dans les reins ; on leur prit dix-huit drapeaux.
L'occasion paraissait favorable pour emporter la ville ; mais nos espions, les déserteurs et les prisonniers, s'accordaient tous dans le rapport que la peste faisait d'horribles ravages dans la ville d'Acre ; que tous les jours, plus de soixante personnes en mouraient ; que les symptômes en étaient terribles : qu'en trente-six heures on était emporté au milieu de convulsions pareilles à celles de la rage.
Répandu dans la ville, il eût été impossible d'empêcher le soldat de la piller ; il aurait rapporté le soir dans le camp les germes de ce terrible fléau ; plus à redouter que toutes les armées du monde.
L'armée partit d'Acre le 1er prairial, et arriva le soir à Tentoura.
Elle campa le 3 sur les ruines de Césarée, au milieu des débris des colonnes de marbre et de granit, qui annoncent ce que devait être autrefois cette ville.
Nous sommes arrivés a Jaffa le 5.
Depuis deux jours, des détachemens filent pour l'Egypte.
Je resterai encore quelques jours a Jaffa, pour en faire sauter les fortifications ; j'irai punir ensuite quelques cantons qui se sont mal conduits, et dans quelques jours je passerai le désert en laissant une forte garnison à El-Arich.
Ma première dépêche sera datée du Caire.
A Salahieh, le 21 prairial an 7 (9 juin 1799).
Au général Marmont.
Nous voici, citoyen général, arrivés à Salahieh. J'ai laissé au fort d'El-Arich dix pièces de canon et cinq à six cents hommes de garnison, autant à Catieh.
Kléber doit être arrivé a Damiette.
L'armée qui devait se présenter devant Alexandrie, et qui était partie de Constantinople le 1er rhamadan, a été détruite sous Acre. Si cependant cet extravagant commandant anglais en faisait embarquer les restes pour se présenter à Aboukir, je ne compte pas que cela puisse faire plus de deux mille hommes. Dans ce cas, faites en sorte de leur donner une bonne leçon.
Le commandant anglais prendra toute espèce de moyens pour se mettre en communication avec la garnison. Prenez les mesures les plus sévères pour l'en empêcher. Ne recevez que très-peu de parlementaires et très au large. Ils ne font que répandre des nouvelles ridicules pour les gens sensés, et qu'il vaut tout autant qu'on ne donne pas. Surtout, quelque chose qui arrive, ne répondez pas par écrit. Vous aurez vu par mon ordre du jour que l'on ne doit à ce capitaine de brûlots que du mépris.
Quand vous aurez reçu cette lettre, je serai au Caire.
Le général Bon et Croizier sont morts de leurs blessures. Lannes et Duroc se portent bien.
Armez donc le fort de Rosette de manière qu'il y ait huit ou dix mille coups de canon à tirer.
BONAPARTE.
Au général Dugua.
L'état-major vous a écrit hier, citoyen général, par un homme du pays, pour vous faire connaître l'arrivée de toute l'armée à Salahieh.
Nous avons assez bien traversé le désert.
Le château d'El-Arich, qui est bien armé et en bon état de défense, a cinq ou six cents hommes de garnison. J'en ai laissé autant à Catieh.
Le commandant anglais qui a sommé Damiette, est un extravagant. Comme il a été toute sa vie capitaine de brûlots, il ne connaît ni les égards, ni le style que l'on doit prendre quand on est à la tête de quelques forces. L'armée combinée dont il parle a été détruite devant Acre, où elle est arrivée quinze jours avant notre départ, comme je vous en ai instruit par ma lettre du 27 floréal.
Je partirai d'ici demain, et je serai probablement le 26 ou le 27 à Matarieh, où je désire que
Weitere Kostenlose Bücher