Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
Post, où le journaliste proposait de faire au chef du gouvernement français des ouvertures de paix, accompagnées de prétentions exagérées ; moyen excellent, ajoutait le journaliste, pour démontrer à toute l'Europe et à la France même l'ambition démesurée de Bonaparte.]
Ce sont autant de rêveries que les assertions de ce long paragraphe. L'ambition de la France, qui, deux fois, a évacué la moitié de l'Allemagne et les états vénitiens, ne peut effrayer personne ; si on lui faisait des propositions accompagnées de menaces, ce ne serait pas l'empereur qui ne voudrait pas la paix, mais ceux qui, la menace à la bouche, auraient profané ce nom sacré.
Non, assurément, l'empereur ne rétrogradera jamais, et ne s'éloignera pas des principes qu'il a adoptés. Sa politique est ouverte et franche. La maison de Bourbon occupait le royaume de Naples et le duché de Parme, et tout le monde sait que Venise était sous l'influence française : à présent Venise appartient à l'Autriche ; Naples est gouverné par des sentimens ennemis des Français et dévoués à l'Angleterre ; le royaume d'Italie ne rétablit pas l'équilibre, car l'on sait fort bien que, loin de valoir à lui seul ces pays qui étaient sous l'influence de la maison de Bourbon, il ne vaut pas même les Deux-Siciles.
Quant à la Hollande, il est vrai que la France exerce sur elle cette influence naturelle et inévitable d'un voisin puissant sur un faible voisin ; que cette influence ne pourrait cesser que si la Belgique passait sous une autre domination ; et sans doute les ministres anglais, dans leur profonde sagesse, n'en sont pas à vouloir nous priver de la Belgique.
Il serait tout aussi sensé de recommencer les diatribes de M. Burke et de dire que la France est effacée de la carte du monde. Mais les intérêts de la France ne se composent pas uniquement de ce qui tient au continent. Vous parlez de justice, d'équilibre et d'indépendance de l'Europe ; mais commencez donc par renoncer au droit de blocus. N'est-il pas ridicule de penser que le port de Cadix était en état de blocus, lorsque deux escadres se combinaient librement dans ses eaux ! Ici, ce sont des rivières que vous mettez en état de blocus ; là, ce n'est pas moins que cent lieues de côtes. Il est évident qu'un pareil ordre de choses n'est que le droit de piller les neutres, érigé en système. Il est évident qu'en se l'arrogeant, l'Angleterre place tontes les mers sous la même domination qu'elle exerce Sur un de ses comtés. Il y a lieu à l'exercice du droit de blocus, quand une place est bloquée de tous côtés par terre et par mer, et qu'elle est constituée en etat d'être prise. Mais lorsqu'une place n'est point attaquée par terre ; que des vaisseaux tiennent à quelques lieues en mer une station qui s'approche, ou disparaît, selon que lui commandent les vents pu les marées, il est absurde de la considérer comme étant en état de blocus.
L'état de blocus est un fait et non une déclaration : bloquer, veut dire renfermer de tous côtés. Une tour, une maison, ne sont pas bloquées lorsqu'on ne garde qu'une issue, et qu'on peut y entrer et en sortir librement. En définissant ainsi le droit de blocus, vous donnerez une preuve que vous respectez l'indépendance de l'Europe ; vous mériterez qu'on ajoute foi à vos paroles, et la France, voyant que vous admettez pour quelque chose le repos et l'indépendance de l'Europe, fera des sacrifices sans regrets, si elle en a à faire.
Vous demandez l'équilibre de l'Europe ; mais l'équilibre de l'Europe est rompu lorsqu'une puissance en soutire tout l'argent, et triple, quintuple ses moyens naturels ; et lorsque c'est le résultat d'un système de conquête qui a envahi l'Inde, il est clair qu'on ne peut parier de l'équilibre de l'Europe sans parler aussi de l'équilibre des Indes. En resserrant vos limites, vous ferez une chose juste, qui sera agréable à l'Europe et utile à vous-mêmes, car plus vous concentrerez votre domination, plus vous serez assurés de conserver vos côtes.
Enfin, il y a deux moyens de faire la paix, c'est ou de souscrire uniquement, entièrement, le traité d'Amiens, ou de consentir, soit sur les affaires du continent, soit sur celles de l'Inde, soit sur le droit maritime, et celui de blocus, des compensations, des restitutions réciproques dont il n'était pas question dans ce traité.
L'Europe ne veut plus se laisser endormir par des mots ; les puissances en sont
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