Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
de Paris, fit des propositions de paix au roi d'Angleterre, le roi d'Angleterre les éluda, et osa dire en plein parlement que les traités qui le liaient avec la Russie l'obligeaient, avant de répondre, de s'entendre avec cette puissance.
Nous dîmes alors ce que nous pensions de cette assertion, et les six mois qui viennent de s'écouler ont assez justifié notre opinion ; toute l'Europe est maintenant convaincue que l'Angleterre n'avait pas d'alliance avec la Russie ; qu'elle avait employé dans cette circonstance un-véritable subterfuge, tout aussi faux que celui dont S.M. britannique se servit dans son message du 7 mars, lorsqu'elle assura que les ports de France et de Hollande étaient pleins d'armemens et de troupes destinées à envahir l'Angleterre. Aujourd'hui que le cabinet de Saint-Pétersbourg a refusé d'adopter les vues de l'ambassadeur Woronzow ; qui réside à Londres pour la Russie, et qui est beaucoup moins Russe qu'Anglais ; aujourd'hui que l'empereur Alexandre a déclaré qu'il voulait être neutre, ne prendre part ni pour la France ni pour l'Angleterre, mais intervenir dans leur querelle, pour aider autant qu'il sera possible le rétablissement de la paix générale ; aujourd'hui enfin que ce souverain a fait demander des passe-ports pour un de ses chambellans qu'il envoye en France, le gouvernement anglais craint le mauvais effet que de telles dispositions feraient à Londres, dans un moment surtout où la faiblesse et l'ineptie de son système de guerre deviennent sensibles pour tous les habitans de la Grande-Bretagne ; il suppose aussitôt un traité d'alliance offensive et défensive avec la Russie ; il prétend que si l'empereur Alexandre envoyé auprès de l'empereur Napoléon, c'est pour notifier un ultimatum et tracer le cercle de Popilius. Rien n'est plus faux que tout cela ; mais aussi rien n'est plus conforme aux nobles habitudes du cabinet de Londres. C'est en dire assez sur cet objet ; il nous paraît convenable de saisir cette occasion de revenir sur le passé, et d'apprendre aux Anglais que si, lorsque le jeune lord Withworth eut l'impertinence de dire que s'il n'avait pas une réponse, dans trente-six heures, il quitterait la France, l'empereur, alors premier consul, ne le fit pas prendre, jeter dans une chaise de poste, et reconduire à Calais, c'est que chaque jour de délai faisait rentrer quelques-uns de nos vaisseaux de commerce.
Il n'y eut par alors un moment d'hésitation, et la guerre était décidée depuis l'instant où le roi d'Angleterre avait insulté la nation française dans son parlement,
Il fallait être aussi dépourvu de sens ou aussi aveuglé que l'était alors le ministère britannique, pour penser que l'empereur, dont le caractère est assez connu en Europe, aurait la faiblesse de laisser outrager impunément la nation. Il est temps que l'Angleterre s'accoutume enfin au nouvel état de choses, et qu'elle se mette bien dans la pensée qu'une nation qui a des côtes si étendues, dont la population, est quatre fois plus considérable que la sienne, dont les habitans sont au moins aussi braves, ne consentira jamais à se laisser déshériter du commerce de l'univers. La France combattra avec les mêmes armes qu'on emploiera contre elle. Si son gouvernement est attaqué par les papiers anglais, les journaux français diront au gouvernement anglais des vérités qu'il n'aimera sûrement pas entendre ; si le roi, dans ses discours au parlement, se fait l'écho de ses ministres pour insulter encore la France, on sera forcé de lui répondre, et par les exposés de la situation de l'empire, et par les discours que nos orateurs prononcent dans le sein de nos principales autorités. Si enfin l'Angleterre nous combat par les privilèges exclusifs, nous la combattrons par les privilèges exclusifs ; si c'est par des actes de navigation, nous lui répondrons par des actes de navigation ; mais tant que nous aurons des bois dans nos forêts ; tant que notre population se renouvellera sur nos côtes, que l'Angleterre ne compte pas de notre part sur une lâche condescendance ; une paix réelle et solide entre elle et nous ne peut avoir lieu que quand elle renoncera au projet tout à fait au-dessus de sa puissance de nous exclure du commerce de l'univers.
Assurément on ne peut accuser d'ambition immodérée une nation de quarante millions d'hommes qui ne demande qu'à vivre l'égale d'une nation de dix millions.
[Réponse à un article du Lloyd's Evening
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