Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
décrets ci-joints.
A midi, S.M. est partie pour Augsbourg. On a enfin le compte exact de l'armée renfermée dans Ulm ; elle se monte a trente-trois mille hommes, ce qui, avec trois mille blessés, porte la garnison prisonnière à trente-six mille hommes. Il y avait aussi dans la place soixante pièces de canon, avec leur approvisionnement et cinquante drapeaux.
Rien ne fait un contraste plus frappant que l'esprit de l'armée française et celui de l'armée autrichienne. Dans l'armée française, l'héroïsme est porté au dernier point ; dans l'armée autrichienne, le découragement est à son comble. Le soldat est payé avec des cartes, il ne peut rien envoyer chez lui, et il est très-maltraité. Le Français ne songe qu'à la gloire. On pourrait citer un millier de traits comme le suivant : Brard, soldat du soixante-seizième régiment, allait avoir la cuisse amputée ; il avait la mort dans l'âme. Au moment où le chirurgien se préparait à faire l'opération, il l'arrête : «Je sais que je n'y survivrai pas, mais n'importe ; un homme de moins n'empêchera pas le soixante-seizième de marcher, la baïonnette en avant, et sur trois rangs, à l'ennemi.»
L'empereur n'a à se plaindre que de la trop grande impétuosité des soldats. Ainsi le dix-septième d'infanterie arrivé devant Ulm, se précipita dans la place ; ainsi pendant la capitulation toute l'armée voulait monter à l'assaut, et l'empereur fut obligé de déclarer fermement qu'il ne voulait pas d'assaut.
La première colonne des prisonniers faits dans Ulm part dans ce moment pour la France.
Voici le nombre de nos prisonniers, du moins de ceux actuellement connus, et les lieux où ils se trouvent : dix mille à Augsbourg ; trente-trois mille dans Ulm ; douze mille à Donawerth, et douze mille qui sont déjà en marche pour la France. L'empereur dit dans sa proclamation que nous avons fait soixante mille prisonniers. Il est probable qu'il y en aura davantage. Il porte le nombre des drapeaux pris à quatre-vingt-dix ; il est probable aussi que nous en aurons davantage.
L'empereur a dit aux officiers-généraux autrichiens qu'il avait appelés près de lui pendant que l'armée ennemie défilait : «Messieurs, votre maître me fait une guerre injuste. Je vous le dis franchement, je ne sais pas pourquoi je me bats ; je ne sais ce que l'on veut de moi.
«Ce n'est pas dans cette seule armée que consistent mes ressources. Cela serait-il vrai, mon armée et moi ferions bien du chemin. Mais j'en appelle aux rapports de vos propres prisonniers qui vont bientôt traverser la France ; ils verront quel esprit anime mon peuple, et avec quel empressement il viendra se ranger sous mes drapeaux. Voilà l'avantage de ma nation et de ma position : avec un mot, deux cent mille hommes de bonne volonté accourront près de moi, et en six semaines seront de bons soldats ; au lieu que vos recrues ne marcheront que par force, et ne pourront, qu'après plusieurs années, faire des soldats.
«Je donne encore un conseil à mon frère l'empereur d'Allemagne ; qu'il se hâte de faire la paix. C'est le moment de se rappeler que tous les empires ont un terme ; l'idée que la fin de la dynastie de Lorraine serait arrivée doit l'effrayer. Je ne veux rien sur le continent, ce sont des vaisseaux, des colonies, du commerce, que je veux ; et cela vous est avantageux comme a nous.» M. Mack a répondu que l'empereur d'Allemagne n'aurait pas voulu la guerre, mais qu'il y a été forcé par la Russie.
En ce cas, a répondu l'empereur, vous n'êtes donc plus une puissance.
Du reste, la plupart des officiers généraux ont témoigné combien cette guerre leur était désagréable, et avec quelle peine, ils voyaient une armée russe au milieu d'eux.
Ils blâmaient cette politique assez aveugle pour attirer au coeur de l'Europe un peuple accoutumé à vivre dans un pays inculte et agreste, et qui, comme ses ancêtres, pourrait bien avoir la fantaisie de s'établir dans de plus beaux climats.
L'empereur a accueilli avec beaucoup d'affabilité le lieutenant-général Klenau, qu'il avait connu commandant le régiment Wurmser ; les lieutenans-généraux Giulay, Gottesheim, Ries ; les princes de Lichtenstein, etc.
Il les a consolés de leur malheur, leur a dit que la guerre a ses chances, et qu'ayant été souvent vainqueurs, ils pouvaient être quelquefois vaincus.
Du quartier impérial d'Elchingen, le 29 vendémiaire an 14 (21 octobre 1805).
Proclamation à
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