Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
cour et les grands sont partis de cette capitale. On avait déjà annoncé aux avant-postes que l'empereur se préparait a quitter Vienne.
L'armée russe a effectué sa retraite à Krems en repassant le Danube, craignant sans doute de voir ses communications avec la Moravie coupées par le mouvement qu'a fait le maréchal Mortier sur la rive gauche du Danube.
Le général Marmont doit avoir dépassé Léoben.
L'abbaye de Molk, où est logé l'empereur, est une des plus belles de l'Europe.
Il n'y a en France, ni en Italie, aucun couvent ni abbaye qu'on puisse lui comparer. Elle est dans une position forte et domine le Danube ; c'était un des principaux postes des Romains, qui s'appelait la maison de fer, bâtie par l'empereur Commode.
Les caves et les celliers se sont trouvés remplis de très-bon vin de Hongrie ; ce qui a été d'un très-grand secours a l'armée, qui depuis long-temps en manquait ; mais nous voilà dans le pays du vin, il y en a beaucoup dans les environs de Vienne.
L'empereur a ordonné qu'on mît une sauve-garde particulière au château de Lustchloss, petite maison de campagne de l'empereur d'Autriche qui se trouve sur la rive gauche du Danube.
Les avenues de Vienne de ce côté ne ressemblent pas aux avenues des grandes capitales. De Lintz à Vienne, il n'y a qu'une seule chaussée ; un grand nombre de rivières telles que l'Ips, l'Eslaph, la Molk, la Trasen, n'ont que de mauvais ponts en bois. Le pays est couvert de forêts de sapins ; à chaque pas des positions inexpugnables où l'ennemi a en vain essayé de tenir. Il a toujours eu à craindre de se voir déborder et entourer par les colonnes qui manoeuvraient au-delà de ses flancs.
Depuis l'Inn jusqu'ici le Danube est superbe ; ses points de vue sont pittoresques ; sa navigation, en descendant, rapide et facile.
Toutes les lettres interceptées ne parlent que de l'effroyable chaos dont Vienne offre le spectacle. La guerre a été entreprise parle cabinet autrichien contre l'avis de tous les princes de la famille impériale.
Mais Colloredo, mené par sa femme, qui, Française, porte à sa patrie la haine la plus envenimée ; Cobentzel, accoutumé à trembler au seul nom d'un Russe, dans la persuasion où il est que tout doit fléchir devant eux, et chez qui, d'ailleurs, il est possible que les agens de l'Angleterre aient trouvé moyen de s'introduire ; enfin ce misérable Mack, qui avait déjà joué un si grand rôle pour le renouvellement de la seconde coalition : voilà les influences qui ont été plus fortes que celles de tous les hommes sages et de tous les membres de la famille impériale.
Il n'est pas jusqu'au dernier bourgeois, au dernier officier subalterne, qui ne sente que cette guerre n'est avantageuse que pour les Anglais ; que l'on ne s'est battu que pour eux ; qu'ils sont les artisans du malheur de l'Europe, comme par leur monopole ils sont les auteurs de la cherté excessive des denrées.
Saint-Polten, le 22 brumaire an 14 (13 novembre 1805).
Vingt-deuxième bulletin de la grande armée.
Le maréchal Davoust a poursuivi ses succès. Tout le corps de Meerfeld est détruit. Ce général s'est sauvé avec une centaine de hulans.
Le général Marmont est à Léoben ; il a fait cent hommes de cavalerie, prisonniers.
Le prince Murat était depuis trois jours à une demi-lieue de Vienne. Toutes les troupes autrichiennes avaient évacué cette ville. La garde nationale y faisait le service ; elle était animée d'un très-bon esprit.
Aujourd'hui, 22 brumaire, les troupes françaises ont fait leur entrée dans cette capitale.
Les Russes se sont refusés à toutes les tentatives que l'on a faites pour les engager à livrer bataille sur les hauteurs, de Saint-Pollen (Saint-Hyppolite). Ils ont passé le Danube à Krems, et aussitôt après leur passage brûle pont, qui était très-beau.
Le 20, à la pointe du jour, le maréchal Mortier, à la tête de six bataillons, s'est porté sur Stein. Il croyait y trouver une arrière-garde ; mais toute l'armée russe y était encore, ses bagages n'ayant pas filé ; alors s'est engagé le combat de Diernstein, à jamais mémorable dans les annales militaires ; Depuis six heures dû matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi, ces quatre mille braves tinrent tête à l'armée russe, et mirent en déroute tout ce qui leur fut opposé.
Maîtres du village de Leiben, ils croyaient la journée finie ; mais l'ennemi irrité d'avoir perdu dix drapeaux, six pièces de canon,
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