Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
de Bahireh. Un homme, venu du fond de l'Afrique, débarqué à Derneh, arrive, réunit des Arabes, et se dit l'ange el-Mohdy, annoncé dans le Coran par le prophète. Deux cents Maugrabins arrivent quelques jours après comme par hasard, et viennent se ranger sous ses ordres. L'ange el-Mohdy doit descendre du ciel ; cet imposteur prétend être descendu du ciel au milieu du désert : lui qui est nu, prodigue l'or qu'il a l'art de tenir caché. Tous les jours, il trempe ses doigts dans une jatte de lait, se les passe sous les lèvres : c'est la seule nourriture qu'il prend. Il se porte sur Damanhour, surprend soixante hommes de la légion nautique, que l'on avait eu l'imprudence d'y laisser, au lieu de les placer dans la redoute de Rahmanieh, et les égorge. Encouragé par ce succès, il exalte l'imagination de ses disciples ; il doit, en jetant un peu de poussière contre nos canons, empêcher la poudre de prendre, et faire tomber devant les vrais croyans les balles de nos fusils : un grand nombre d'hommes attestent cent miracles de cette nature qu'il fait tous les jours.
Le chef de brigade Lefebvre partit de Ramanieh avec quatre cents hommes, pour marcher contre l'ange ; mais voyant à chaque instant le nombre des ennemis s'accroître, il sent l'impossibilité de pouvoir mettre à la raison une si grande quantité d'hommes fanatisés.
Il se range en bataillon carré, et tue toute la journée ces insensés qui se précipitent sur nos canons, ne pouvant revenir de leur prestige. Ce n'est que la nuit que ces fanatiques, comptant leurs morts (il y en avait plus de mille) et leurs blessés, comprennent que Dieu ne fait plus de miracles.
Le 19 floréal, le général Lanusse, qui s'est porté avec la plus grande activité partout où il y a eu des ennemis à combattre, arrive à Damanhour, passe quinze cents hommes au fil de l'épée ; un monceau de cendres indique la place où fut Damanhour. L'ange el-Mohdy, blessé de plusieurs coups, sent lui-même son zèle se refroidir ; il se cache dans le fond des déserts, environné encore de partisans ; car, dans des têtes fanatisées, il n'y a point d'organes par où la raison puisse pénétrer.
Cependant la nature de cette révolte contribua à accélérer mon retour en Egypte.
Cette scène bizarre était concertée, et devait avoir lieu au même instant où la flotte turque, qui a débarqué l'armée que j'ai détruite sous Acre, devait arriver devant Alexandrie.
L'armement de cette flotte, dont les mameloucks de la Haute-Egypte avaient été instruits par des dromadaires, leur fit faire un mouvement sur la Basse-Egypte ; mais, battus plusieurs fois par le chef de brigade Destrées, officier d'une bravoure distinguée, ils descendirent dans la Charqyéh. Le général Dugua ordonna au général Davoust de s'y porter. Le 19 floréal, il attaqua Elfy-bey et les Billys : quelques coups de canon ayant tué trois des principaux kachefs d'Elfy, il fuit épouvanté dans les déserts.
Canonnade de Suez.
Un vaisseau et une frégate anglaise sont arrivés à Suez vers le 15 floréal.
Une canonnade s'est engagée ; mais les Anglais ont cessé dès l'instant qu'ils ont reconnu Suez muni d'une artillerie nombreuse en état de les recevoir : les deux bâtimens ont disparu.
Combat sur le canal de Moyse.
Le général Lanusse, après avoir délivré la province de Bahyreh, atteignit, le 17 prairial, au village de Kafr-Fourniq, dans la Charqyéh, les Maugrabins et les hommes échappés de la Bahyreh ; il leur tua cent cinquante hommes, et brûla le village.
Le 15 prairial, j'arrivai a El-Arich, de retour de Syrie. La chaleur du sable du désert a fait monter le thermomètre à quarante-quatre degrés : l'atmosphère était à trente-quatre ; Il fallait faire onze lieues par jour pour arriver aux puits, où se trouve un peu d'eau salée, sulfureuse et chaude, que l'on boit avec plus d'avidité que chez nos restaurateurs une bonne bouteille de vin de Champagne.
Mou entrée au Caire s'est faite le 26 prairial, environné d'un peuple immense qui avait garni les rues, et de tous les muphtis montés sur des mules, parce que le prophète montait de préférence ces animaux, de tous les corps de janissaires, des odjaqs, des agas de la police du jour et de nuit, de descendant d'Abou-Bekr, de Fathyme, et des fils de plusieurs saints révérés par les vrais croyans ; les chefs des marchands marchaient devant, ainsi que le patriarche Qohthe : la marche était fermée par les troupes
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