Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
d'Allemagne se sont plusieurs fois entendus pour le partage de la Turquie, et que ce n'a été que l'intervention de la France qui l'a empêché ?
Votre excellence n'ignore pas que le vrai ennemi de l'islamisme est la Russie. L'empereur Paul 1er s'est fait grand-maître de Malte, c'est-à-dire a fait voeu de faire la guerre aux musulmans : n'est-ce pas lui qui est chef de la religion grecque, c'est-à-dire des plus nombreux ennemis qu'ait l'Islamisme ?
La France, au contraire, a détruit les chevaliers de Malte, rompu les chaînes des Turcs qui y étaient détenus en esclavage, et croit, comme l'ordonne l'Islamisme, qu'il n'y a qu'un seul Dieu.
Ainsi donc la Porte a déclaré la guerre à ses véritables amis, et s'est alliée à ses véritables ennemis.
Ainsi donc la Sublime-Porte a été l'amie de la France tant que cette puissance a été chrétienne, lui a fait la guerre dès l'instant que la France, par sa religion, s'est rapprochée de la croyance musulmane. Mais, dit-on, la France a envahi l'Egypte ; comme si je n'avais pas toujours déclaré que l'intention de la république française était de détruire les mameloucks, et non de faire la guerre à la Sublime-Porte ; était de nuire aux Anglais, et non à son grand et fidèle ami l'empereur Sélim.
La conduite que j'ai tenue envers tous les gens de la Porte qui étaient en Egypte, envers les bâtimens du grand-seigneur, envers les bâtimens de commerce portant pavillon ottoman, n'est-elle pas un sûr garant des intentions pacifiques de la république française ?
La Sublime-Porte a déclaré la guerre dans le mois de janvier à la république française avec une précipitation inouïe, sans attendre l'arrivée de l'ambassadeur Descorches, qui déjà était parti de Paris pour se rendre à Constantinople ; sans me demander aucune explication, ni répondre à aucune des avances que j'ai faites.
J'ai cependant espéré, quoique sa déclaration de guerre me fût parfaitement connue, pouvoir la faire revenir, et j'ai à cet effet, envoyé le citoyen Beauchamp, consul de la république, sur la caravelle. Pour toute réponse, on l'a emprisonné ; pour toute réponse, on a créé des armées, on les a réunies à Gaza, et on leur a ordonné d'envahir l'Egypte. Je me suis trouvé alors obligé de passer le désert, préférant faire la guerre en Syrie, à ce qu'on la fît en Egypte.
Mon armée est forte, parfaitement disciplinée, et approvisionnée de tout ce qui peut la rendre victorieuse des armées, fussent-elles aussi nombreuses que les sables de la mer ; des citadelles et des places fortes hérissées de canon se sont élevées sur les côtes et sur les frontières du désert : je ne crains donc rien, et je suis ici invincible ; mais je dois à l'humanité, à la vraie politique, au plus ancien, comme au plus vrai des alliés, la démarche que je fais.
Ce que la Sublime-Porte n'obtiendra jamais par la force des armes, elle peut l'obtenir par une négociation. Je battrai toutes les armées, lorsqu'elles projetteront l'envahissement de l'Egypte ; mais je répondrai d'une manière conciliante à toutes les ouvertures de négociations qui me seront faites. La république française, dès l'instant que la Sublime-Porte ne fera plus cause commune avec nos ennemis, la Russie et l'Empereur, fera tout ce qui sera en elle pour rétablir la bonne intelligence, et lever tout ce qui pourra être un sujet de désunion entre les deux états.
Cessez donc des armemens dispendieux et inutiles ; vos ennemis ne sont pas en Egypte, ils sont sur le Bosphore, ils sont à Corfou, ils sont aujourd'hui par votre extrême imprudence au milieu de l'Archipel.
Radoubez et réarmez vos vaisseaux ; reformez vos équipages ; tenez-vous prêt à déployer bientôt l'étendard du prophète, non contre la France, mais contre les Russes et les Allemands qui rient de la guerre que nous nous faisons, et qui, lorsque vous aurez été affaibli, lèveront la tête, et déclareront bien haut les prétentions qu'ils ont déjà.
Vous voulez l'Egypte, dit-on ; mais l'intention de la France n'a jamais été de vous l'ôter.
Chargez votre ministre à Paris de vos pleins pouvoirs, ou envoyez quelqu'un chargé de vos intentions ou de vos pleins pouvoirs en Egypte. On pourra, en deux heures d'entretien tout arranger : c'est là le seul moyen de rasseoir l'empire musulman, en lui donnant la force contre ses véritables ennemis, et de déjouer leurs projets perfides ; ce qui, malheureusement,
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