Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
champions de la guerre. La canonnade n'a duré que deux heures ; la moitié de la division du général Suchet a seule donné. La cavalerie prussienne a été culbutée par les neuvième et dixième régimens d'hussards ; l'infanterie prussienne n'a pu conserver aucun ordre de retraite ; partie a été culbutée dans un marais, partie dispersée dans les bois.
On a fait mille prisonniers, six cents hommes sont restés sur le champ de bataille ; trente pièces de canon sont tombées au pouvoir de l'armée.
Voyant ainsi la déroute de ses gens, le prince Louis de Prusse, en brave et loyal soldat, se prit corps à corps avec un maréchal-des-logis du dixième régiment de hussards. Rendez vous, colonel, lui dit le hussard, ou vous êtes mort. Le prince lui répondit par un coup de sabre ; le maréchal-des-logis riposta par un coup de pointe, et le prince tomba mort. Si les derniers instans de sa vie ont été ceux d'un mauvais citoyen, sa mort est glorieuse et digne de regrets. Il est mort comme doit désirer de mourir tout bon soldat. Deux de ses aides-de-camp ont été tués à ses côtés. Ou a trouvé sur lui des lettres de Berlin, qui font voir que le projet de l'ennemi était d'attaquer incontinent, et que le parti de la guerre, à la tête duquel étaient le jeune prince et la reine, craignait toujours que les intentions pacifiques du roi, et l'amour qu'il porte à ses sujets ne lui fissent adopter des tempéramens, et ne déjouassent leurs cruelles espérances. On peut dire que les premiers coups de la guerre ont tué un de ses auteurs.
Dresde ni Berlin ne sont couverts par aucun corps d'armée. Tournée par sa gauche, prise en flagrant délit au moment où elle se livrait aux combinaisons les plus hasardées, l'armée prussienne se trouve, dès le début, dans une position assez critique. Elle occupe Eisenach, Gotha, Erfurt, Weimar. Le 12, l'armée française occupe Saalfed et Gera, et marche sur Naumbourg et Jena. Des coureurs de l'armée française inondent la plaine de Leipsick.
Toutes les lettres interceptées peignent le conseil du roi déchiré par des opinions différentes, toujours délibérant et jamais d'accord.
L'incertitude, l'alarme et l'épouvante paraissent déjà succéder à l'arrogance, à l'inconsidération et à la folie.
Hier 11, en passant à Gera devant le vingt-septième régiment d'infanterie légère, l'empereur a chargé le colonel de témoigner sa satisfaction à ce régiment, sur sa bonne conduite.
Dans tous ces combats, nous n'avons à regretter aucun officier de marque : le plus élevé en grade est le capitaine Campobasso, du vingt-septième régiment d'infanterie légère, brave et loyal officier. Nous n'avons pas eu quarante hommes tués et soixante blessés.
Gera, le 13 octobre 1806.
Troisième bulletin de la grande armée.
Le combat de Schleitz, qui a ouvert la campagne, et qui a été très-funeste à l'armée prussienne, celui de Saalfeld qui l'a suivi le lendemain, ont porté la consternation chez l'ennemi. Toutes les lettres interceptées disent que la consternation est à Erfurt, où se trouvent encore le roi et la reine, le duc de Brunswick, etc. ; qu'on discute sur le parti à prendre sans pouvoir s'accorder. Mais pendant qu'on délibère, l'armée française marche. A cet esprit d'effervescence, à cette excessive jactance, commencent à succéder des observations critiques sur l'inutilité de cette guerre, sur l'injustice de s'en prendre à la France, sur l'impossibilité d'être secouru, sur la mauvaise volonté des soldats, sur ce qu'on n'a pas fait ceci, et mille et une autres observations qui sont toujours dans la bouche de la multitude, lorsque les princes sont assez faibles pour la consulter sur les grands intérêts politiques au-dessus de sa portée.
Cependant, le 12 au soir, les coureurs de l'armée française étaient aux portes de Leipsick ; le quartier-général du grand-duc de Berg, entre Zeist et Leipzick ; celui du prince de Ponte-Corvo, à Zeist ; le quartier impérial à Gera ; la garde impériale et le corps d'armée du maréchal Soult, à Gera ; le corps d'armée du maréchal Ney, à Neustadt ; en première ligne, le corps d'armée du maréchal Davoust, à Naumbourg, celui du maréchal Lannes, à Jena ; celui du maréchal Augereau, à Kala. Le prince Jérôme, auquel l'empereur a confié le commandement des alliés et d'un corps de troupes bavaroises, est arrivé à Schleitz, après avoir fait bloquer le fort de Culenbach par un
Weitere Kostenlose Bücher