Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
direction.
L'empereur a passé, le 28, la revue du corps du maréchal Davoust, sous les murs de Berlin. Il a nommé à toutes les places vacantes, il a récompensé les braves.
Il a ensuite réuni les officiers et sous-officiers en cercle, et leur a dit : «Officiers et sous-officiers du troisième corps d'armée, vous vous êtes couverts de gloire à la bataille de Jéna ; j'en conserverai un éternel souvenir. Les braves qui sont morts, sont morts avec gloire. Nous devons désirer de mourir dans des circonstances si glorieuses.» En passant la revue des douzième, soixante-unième et quatre-vingt-cinquième régimens de ligne qui ont le plus perdu à cette bataille, parce qu'ils ont dû soutenir les plus grands efforts, l'empereur a été attendri de savoir morts, ou grièvement blessés, beaucoup de ses vieux soldats dont il connaissait le dévouement et la bravoure depuis quatorze ans. Le douzième régiment surtout a montré une intrépidité digne des plus grands éloges.
Aujourd'hui à midi, l'empereur a passé la revue du septième corps, que commande le maréchal Augereau. Ce corps a très-peu souffert. La moitié des soldats n'a pas eu occasion de tirer un coup de fusil, mais tous avaient la même volonté et la même intrépidité. La vue de ce corps était magnifique. «Votre corps seul, a dit l'empereur, est plus fort que tout ce qui reste au roi de Prusse, et vous ne composez pas le dixième de mon armée.»
Tous les dragons à pied que l'empereur avait fait venir à la grande armée sont montés, et il y a au grand dépôt de Spandau quatre mille chevaux sellés et bridés dont on ne sait que faire, parce qu'il n'y a pas de cavaliers qui en aient besoin. On attend avec impatience l'arrivée des dépôts.
Le prince Auguste a été présenté à l'empereur, au palais de Berlin, après la revue du septième corps d'année. Ce prince a été renvoyé chez son père, le prince Ferdinand, pour se reposer et se faire panser de ses blessures.
Hier, avant d'aller à la revue du corps du maréchal Davoust, l'empereur avait rendu visite à la veuve du prince Henri, et au prince et à la princesse Ferdinand, qui se sont toujours fait remarquer par la manière distinguée avec laquelle ils n'ont cessé d'accueillir les Français.
Dans le palais qu'habite l'empereur à Berlin, se trouve la soeur du roi de Prusse, princesse électorale de Hesse-Cassel. Cette princesse est en couche. L'empereur a ordonné à son grand-maréchal du palais de veiller à ce qu'elle ne fût pas incommodée du bruit et des mouvemens du quartier-général.
Le dernier bulletin rapporte la manière dont l'empereur a reçu le prince d'Hatzfeld à son audience. Quelques instans après ce prince fut arrêté. Il aurait été traduit devant une commission militaire et inévitablement condamné à mort : des lettres de ce prince au prince Hohenlohe, interceptées aux avant-postes, avaient appris que, quoiqu'il se dit chargé du gouvernement civil de la ville, il instruisait l'ennemi des mouvemens des Français. Sa femme, fille du ministre Schulenbourg, est venue se jeter aux pieds de l'empereur ; elle croyait que son mari était arrêté à cause de la haine que le ministre Schulenbourg portait à la France. L'empereur la dissuada bientôt, et lui fit connaître qu'on avait intercepté des papiers dont il résultait que son mari faisait un double rôle, et que les lois de la guerre étaient impitoyables sur un pareil délit. La princesse attribuait à l'imposture de ses ennemis cette accusation, qu'elle appelait une calomnie. «Vous connaissez l'écriture de votre mari, dit l'empereur, je vais vous faire juge.» Il fit apporter la lettre interceptée, et la lui remit. Cette femme, grosse de plus de huit mois, s'évanouissait à chaque mot qui lui découvrait jusqu'à quel point était compromis son mari, dont elle reconnaissait l'écriture. L'empereur fut touché de sa douleur, de sa confusion, des angoisses qui la déchiraient.
«Eh ! bien, lui dit-il, vous tenez cette lettre, jetez-la au feu ; cette pièce anéantie, je ne pourrai plus faire condamner votre mari.» (Cette scène touchante se passait près de la cheminée). Madame d'Hatzfeld ne se le fit pas dire deux fois. Immédiatement après, le prince de Neufchâtel reçut ordre de lui rendre son mari. La commission militaire était déjà réunie. La lettre seule de M. d'Hatzfeld le condamnait ; trois heures plus tard il était fusillé.
Berlin, le 30 octobre
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