Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
rivière. A deux heures, les premiers grenadiers qui montèrent à l'assaut ne trouvèrent plus de résistance ; la place était évacuée ; deux cents pièces de canon et mortiers de gros calibre, et une des plus belles villes de la Russie étaient en notre pouvoir, et cela à la vue de toute l'armée ennemie.
Le combat de Smolensk, qu'on peut à juste titre appeler bataille, puisque cent mille hommes ont été engagés de part et d'autre, coûte aux Russes la perte de quatre mille sept cents hommes restés sur le champ de bataille, de deux mille prisonniers, la plupart blessés, et de sept a huit mille blessés. Parmi les morts se trouvent cinq généraux russes. Notre perte se monte à sept cents morts et à trois mille cent ou trois mille deux cents blessés. Le général de brigade Grabouski a été tué ; les généraux de brigade Grandeau et Dalton ont été blessés. Toutes les troupes ont rivalisé d'intrépidité. Le champ de bataille a offert aux yeux de deux cent mille personnes qui peuvent l'attester, le spectacle d'un cadavre français sur sept ou huit cadavres russes. Cependant les Russes ont été, pendant une partie des journées du 16 et du 17, retranchés et protégés par la fusillade de leurs créneaux.
Le 18, on a rétabli les ponts sur le Borysthène que l'ennemi avait brûlés : on n'est parvenu à maîtriser le feu qui consumait la ville que dans la journée du 18, les sapeurs français ayant travaillé avec activité. Les maisons de la ville sont remplies de Russes morts et mourans.
Sur douze divisions qui composaient la grande armée russe, deux divisions ont été entamées et défaites aux combats d'Ostrowno ; deux l'ont été au combat de Mohilow, et six au combat de Smolensk. Il n'y a que deux divisions et la garde qui soient restées entières.
Les traits de courage qui honorent l'armée, et qui ont distingué tant de soldats au combat de Smolensk, seront l'objet d'un rapport particulier. Jamais l'armée française n'a montré plus d'intrépidité que dans cette campagne.
Smolensk, 23 août 1813.
Quatorzième bulletin de la grande armée.
Smolensk peut être considérée comme une des belles villes de la Russie. Sans les circonstances de la guerre qui y ont mis le feu, ce qui a consumé d'immenses magasins de marchandises coloniales et de denrées de toute espèce, cette ville eût été d'une grande ressource pour l'armée. Même dans l'état où elle se trouve, elle sera de la plus grande utilité sous le point de vue militaire. Il reste de grandes maisons qui offrent de beaux emplacemens pour les hôpitaux. La province de Smolensk est très-fertile et très-belle, et fournira de grandes ressources pour les subsistances et les fourrages.
Les Russes ont voulu, depuis les événemens de la guerre, lever une milice d'esclaves-paysans qu'ils ont armés de mauvaises piques. Il y en avait déjà cinq mille réunis ici ; c'était un objet de dérision et de raillerie pour l'armée russe elle-même. On avait fait mettre à l'ordre du jour que Smolensk devait être le tombeau des Français, et que si l'on avait jugé convenable d'évacuer la Pologne, c'était à Smolensk qu'on devait se battre pour ne pas laisser tomber ce boulevard de la Russie entre nos mains.
La cathédrale de Smolensk est une des plus célèbres églises grecques de la Russie. Le palais épiscopal forme une espèce de ville à part.
La chaleur est excessive : le thermomètre s'élève jusqu'à vingt-six degrés ; il fait plus chaud qu'en Italie.
Combat de Polotsk.
Après le combat de Drissa, le duc de Reggio, sachant que le général ennemi Wittgenstein s'était renforcé de douze troisièmes bataillons de la garnison de Dunabourg, et voulant l'attirer à un combat en-deçà du défilé sous Polotsk, vint ranger les deuxième et sixième corps en bataille sous Polotsk.
Le général Wittgenstein le suivit, l'attaqua le 16 et le 17, et fut vigoureusement repoussé. La division bavaroise de Wrede, du sixième corps, s'est distinguée. Au moment où le duc de Reggio faisait ses dispositions pour profiter de la victoire et acculer l'ennemi sur le défilé, il a été frappé à l'épaule par un biscayen. Sa blessure, qui est grave, l'a obligé à se faire transporter à Wilna ; mais il ne paraît pas qu'elle doive être inquiétante pour les suites.
Le général comte Gouvion-Saint-Cyr a pris le commandement des deuxième et sixième corps. Le 17 au soir, l'ennemi s'était retiré au-delà du défilé. Le
Weitere Kostenlose Bücher