Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
L’écriture
était celle de Charles Cholmondeley, l’auteur et co-créateur de l’opération
Mincemeat. La fausse adresse donnée pour « J. G. Martin »
était Scotts House, Eynsham, dans l’Oxfordshire (aujourd’hui un hôpital de
jour).
La fausse lettre placée dans la poche du major indiquait
clairement que « Père » avait résidé dans cet hôtel un certain temps
(« c’est la seule solution ; je ne voudrais pas m’imposer une fois
encore à ta tante »). D’après le registre, il était arrivé à l’hôtel le
9 avril, et il en était reparti le 20 avril, à temps pour son faux
déjeuner avec son fils à Londres. Jusque-là, cela paraît plausible.
Mais un examen plus minutieux révèle un fait très étrange.
Le nom et la signature de J. G. Martin n’apparaissent pas dans
l’ordre chronologique, mais ils ont été ajoutés dans la partie vierge en bas de
la page. Ils ont donc clairement été ajoutés après coup, à une date ultérieure,
et peut-être beaucoup plus tardive. Même l’enquêteur le moins chevronné aurait
été alerté : loin de camoufler l’erreur, Cholmondeley la renforçait en
attirant l’attention sur le fait qu’il n’y avait rien de fortuit à propos de
John Martin et de son séjour au Lion Noir.
On peut se demander ce qui a pu se produire. Alors que
l’opération Mincemeat avait été lancée, les organisateurs ont commencé à se
rendre compte qu’elle fonctionnait bien mieux que ce qu’ils avaient osé
espérer. Ils commencèrent à s’inquiéter de défauts éventuels. Le coroner,
Bentley Purchase, fut à nouveau contacté et interrogé : si les Allemands
exhumaient le corps et exécutaient une autre autopsie, découvriraient-ils qu’il
était mort d’empoisonnement et non de noyade ? (Le joyeux coroner, toujours
optimiste, leur assura que ça ne serait pas le cas.) Je suppose qu’ils
étudièrent à nouveau les lettres et envoyèrent Cholmondeley à Mold pour
corriger le registre. Il n’en résulta pas un camouflage, mais une divulgation
involontaire. Un registre qui ne portait pas le nom de J. G. Martin
n’aurait fait que préserver le mystère ; un registre qui portait un nom
qui avait été ajouté de manière si évidente révélait une tentative bâclée de
tromper son monde.
Au final, cela n’eut pas d’importance. Il n’ y a aucune
preuve que les Allemands n’enquêtèrent jamais en Grande-Bretagne sur le passé
de Bill Martin. S’ils avaient tenté de le faire, ils auraient certainement été
repérés par les services secrets, car tout le réseau d’espionnage allemand au
Royaume-Uni était contrôlé par le MI5. Dès que le mensonge a été ancré dans la
pensée stratégique allemande, aucun effort ne fut tenté pour l’en déloger.
Imaginez qu’un agent allemand se soit donné la peine de
faire le voyage jusqu’à Mold pour examiner le registre du Lion Noir. Il
aurait certainement repéré l’ajout ultérieur de
« J. G. Martin », il se serait rendu compte que c’était
louche et aurait averti les Allemands avant le débarquement en Sicile, ce qui
aurait eu de très fâcheuses conséquences. Cette simple entrée dans un registre
aurait pu changer le cours de la Seconde Guerre mondiale.
Les organisateurs ont délibérément mis John Martin dans un
hôtel pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’adresse du domicile des Martin à
laquelle un espion allemand aurait pu se rendre. Il est probable que Montagu se
sentait coupable d’avoir dénigré le confort de l’hôtel dans la fausse
lettre : « Je ne peux pas dire que cet hôtel soit aussi confortable
qu’il ne l’était dans mon souvenir d’avant-guerre » . Pourtant,
« Père » n’avait sans doute pas tort, car le Lion Noir a fermé
après la guerre. Aujourd’hui, à sa place on trouve la banque Halifax.
L’aide de la poste
Le courrier d’un lecteur attira mon attention sur une autre
anomalie. La lettre censée avoir été écrite par le directeur de la banque à
Bill Martin lui a été adressée au Club de l’Armée et de la Marine. Pourtant,
tous les autres documents, y compris la note du club lui-même, montraient
clairement qu’il avait séjourné au Club Naval et Militaire, un tout autre
établissement. Cette erreur crevait les yeux. La personne qui dactylographia la
lettre de la banque avait semble-t-il confondu les deux clubs des forces
armées. Pourquoi Cholmondeley et Montagu, habituellement si méticuleux et
entièrement
Weitere Kostenlose Bücher