Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
interceptions.
Dudley Clarke
Après la guerre, le colonel Clarke, qui était le chef de la
désinformation en Méditerranée, ne tarissait pas d’éloges sur l’opération
Mincemeat. « La préparation du corps avait causé bien des tracas et avait
exigé une grande ingéniosité : aucun détail, aussi minime soit-il, n’avait
été omis et il avait été paré à toutes les éventualités. C’était un
chef-d’œuvre de l’organisation et de la mise en scène ».
Pourtant, le mystère des démêlés de Clarke travesti avec la
police espagnole était un détail de l’histoire que de nombreux lecteurs
semblent avoir trouvé particulièrement intriguant. Plusieurs d’entre eux
cherchèrent à en apprendre plus sur les dessous de cette histoire.
Clarke fut arrêté le 18 octobre 1943, dans une rue
de Madrid. Apparemment, il se trouvait en Espagne pour recruter des agents pour
l’aider dans sa tâche de désinformation, même si les caractéristiques de sa mission
demeurent étonnamment vagues. Nul ne sait s’il a été arrêté sur des soupçons
d’espionnage, ou parce qu’il avait l’air d’un homme habillé en femme. Il avait
commencé par déclarer à la police espagnole qu’il était romancier et
« voulait étudier les réactions des hommes envers les femmes dans la
rue ». Puis, il changea son histoire et déclara qu’il « apportait les
vêtements à une femme à Gibraltar » et qu’il avait envie de les
« essayer pour s’amuser ».
L’ambassade britannique fut sceptique, remarquant, dans un
télégramme qui avait du mal à contenir son hilarité, que les chaussures lui
allaient parfaitement, alors qu’il avait « des pieds inhabituellement
grands ». La police décida que Clarke devait être un
« homosexualiste » : la Gestapo en Espagne en conclut qu’il
devait être un espion. Quant à ses collègues, ils ne parvinrent pas à
déterminer ce qu’il était.
Lorsqu’il fut libéré de prison par Alan Hillgarth, Clarke
minimisa l’incident avec un aplomb magnifique. Il affirma même effrontément que
l’affaire avait été intentionnelle et qu’elle avait aidé à renforcer sa
couverture en tant que correspondant pour le Times – étant moi-même
un ancien correspondant étranger pour le Times , je ne suis pas
particulièrement flatté par cet argument.
L’incident mérita même une petite note dans le plus célèbre
scandale d’espionnage. Le 31 octobre 1941, Kim Philby, dans un
message qui n’a pu que confirmer la croyance du KGB dans la décadence de
l’Occident, rapporta à ces officiers traitants à Moscou : « Jusqu’à
présent, Londres n’a toujours pas reçu d’explication sur la raison pour
laquelle il a été trouvé habillé en femme. »
La participation de Franco
Je me suis toujours douté que le général Franco devait avoir
été au courant des documents Mincemeat, mais la publication de Deathly
Deception par Denis Smyth (Oxford University Press, 2010), en apporta la
preuve. D’après Smyth, spécialiste de l’histoire espagnole, les documents
furent traduits en espagnol et transmis au Caudillo. Franco doit donc
avoir approuvé la désignation du colonel Pardo comme intermédiaire, puis il
doit avoir personnellement autorisé la transmission des documents secrets en
totale contradiction avec la neutralité supposée de l’Espagne.
Le professeur Smyth apporte aussi un nouvel éclairage sur le
trajet emprunté par les informations jusqu’à Berlin. Le 8 mai, peu après
que les documents ont été extraits de leurs enveloppes, mais avant leur remise
aux Allemands, un officier espagnol (presque certainement Pardo) informa un
officier de l’Abwehr (soit Leissner, soit Kuhlenthal) sur la teneur de la
lettre de Nye. Cette information a été écrite dans une « lettre très
secrète » et apportée en main propre à Berlin par Kurt von Rohrscheidt de
la section de contre-espionnage de l’Abwehr à Madrid, qui n’avait pas la moindre
idée de son contenu. D’après son emploi du temps, Alexis von Roenne, à la tête
du FHW, approuva la validité des renseignements contenus dans cette lettre
avant même d’avoir vu les photographies des documents originaux – nouvelle
preuve encore de sa détermination à y croire, sans question ni investigation.
Quelques jours plus tard, une fois l’appétit de Berlin bien aiguisé, Kuhlenthal
apporta les copies des lettres.
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