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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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haranguait d’une voix juvénile, à peine éraillée, disant que jamais dans l’histoire du monde n’avait été rassemblée une telle flotte.
    Il tendait le bras, montrait les trois cents navires, galères, galéasses, galiotes, frégates, fustes, brigantins, birèmes, trirèmes, naves mahones, toutes les tailles, toutes les formes, toutes les puissances, les galéasses avec leurs cent bouches à feu, les galiotes avec leurs vingt bancs de rameurs.
    Il répétait :
    — Nous sommes trente mille soldats et cinquante mille marins et rameurs.
    Je me penchais.
    Je regardais la chiourme. Je reconnaissais cette odeur d’excréments et de sueur mêlés.
    On avait redoublé les chaînes qui entravaient les rameurs musulmans. Leurs mains étaient prises dans des gantelets de métal afin qu’ils pussent seulement tirer sur la rame.
    On avait promis aux galériens chrétiens qu’ils obtiendraient la liberté s’ils combattaient aux côtés des soldats contre les infidèles. Et sur le pont, derrière les grands panneaux de bois dressés afin de protéger marins et soldats, s’entassaient des centaines d’armes blanches, haches, piques, poignards, glaives, épées et coutelas qu’on distribuerait au moment de la bataille quand tout chrétien, qu’il fût noble, soldat, voleur ou assassin, devrait prendre part au combat.
    Et le pape Pie V avait fait savoir que les indulgences pour les fautes et les péchés commis seraient accordées à ceux qui se distingueraient dans la bataille.
    Cette annonce avait été accueillie par des cris de joie, des hurlements, aussi, comme si chacun de ces condamnés avait eu hâte d’empoigner une arme et de tuer pour être libéré, sauvé, racheté.
    Sous l’exaltation et dans la prière, j’ai étouffé les doutes qu’à certains moments je sentais resurgir en moi.
    Mais chaque instant, heureusement, apportait une nouvelle surprise, une bouffée d’ivresse.
    Don Juan donna l’ordre que fussent sciés les éperons de fer qui prolongeaient les proues. Ils étaient redoutables au moment de l’abordage, crevant les coques des galères ennemies, déchirant les bois et les chairs, mais, surélevés, ils ralentissaient la marche et obligeaient surtout les canonniers à tirer plus haut, les empêchant de faire feu au ras de l’eau pour ne pas les heurter.
    J’ai admiré la vigueur, l’intelligence, la ferveur de don Juan. Il passait tel Apollon, le torse serré dans son armure aux incrustations d’or, ou bien dans un pourpoint. Il attirait par sa jeunesse et sa beauté, suscitait respect et obéissance par son autorité.
    On disait que Pie V avait au cours d’une messe, à Rome, interrompu la lecture des Écritures pour dire à deux reprises, d’une voix tremblante, comme s’il ne faisait que répéter ce que Dieu venait de lui souffler :
    — Il y eut un homme envoyé de Dieu, qui s’appelait Jean.
    Notre don Juan.
    Il est venu à plusieurs reprises sur la Marchesa, interpellant durement Veniero, disant que la Marchesa était la seule des galères vénitiennes qui, ayant à son bord des soldats et des marins qui n’étaient pas citoyens de la Sérénissime, était digne de faire partie de cette flotte de la Sainte Ligue. Les autres étaient mal armées, manquaient de combattants et de rameurs.
    — On ne se bat pas sans hommes ! s’écriait-il. Ces galères vénitiennes sont à la merci de la première canonnade, du premier abordage !
    Veniero se cabrait, comme si chaque phrase prononcée durement était un coup de fouet. Mais il n’osait s’en prendre au frère du roi d’Espagne, aussi s’emportait-il contre le Génois Doria ou l’amiral des galères pontificales, Marcantonio Colonna.
    J’écoutais, m’inquiétais de ces divisions, mais, comme pour mes remords ou mes doutes, je n’avais pas le temps de m’y attarder.
    Je voyais Enguerrand de Mons franchir la passerelle en compagnie d’un homme maigre au regard perçant, un Vénitien nommé Vico Montanari. Tous deux arrivaient de Paris. Ils avaient choisi de participer à la croisade plutôt que de rester à l’abri dans cette cour de France où le roi Charles IX et la reine mère, Catherine de Médicis, se refusaient à donner un seul navire, un seul soldat pour la Sainte Ligue.
    Enguerrand de Mons s’indignait : ce monarque qui se disait Très Chrétien préférait s’entendre avec les huguenots, avec cet amiral de Coligny qui recrutait une armée pour attaquer les troupes espagnoles des Pays-Bas,

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