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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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j’étais ému au souvenir de la vigueur du jeune soldat qui, sur le pont de la galère la Marchesa, avait vu avec moi la flotte turque d’Ali Pacha surgir dans la lumière grise de l’aube, sur cette mer Ionienne encore noire mais que le combat allait teinter de rouge. Je l’avais retrouvé à Paris, ambassadeur de la sérénissime République. C’était alors un homme dans la force de l’âge et durant les journées sanglantes de la Saint-Barthélemy il m’avait ouvert sa porte.
    Mais nous étions devenus vieux.
    Cependant que les valets l’aidaient à ôter son long manteau au col de fourrure, puis ses bottes, il murmura :
    — Le roi Philippe est mort.
    Peut-être a-t-il cru que je n’avais pas entendu, car il a répété d’une voix forte :
    — Le roi de notre jeunesse héroïque, le fils de l’empereur Charles Quint, le roi de Lépante a été rappelé à Dieu !
    J’ai reculé comme si j’avais craint que cette nouvelle, telle une maladie, ne me pénètre et me terrasse.
    À cet instant, j’ai compris que l’heure de ma mort était venue et qu’il fallait que je me prépare, par la confession de toute ma vie, à comparaître devant Dieu.
    Je l’ai invité à me suivre dans la chapelle, à quitter cette grand-salle où le feu flambait, illuminant de ses hautes flammes les murs de pierre.
    J’étais né là, devant cette cheminée, entouré de mon père Louis, de mon frère Guillaume et de ma sœur Isabelle. On m’a raconté que notre confesseur, un jeune moine dominicain, Verdini, et le médecin Salvus tenaient chacun l’une des mains de ma mère. La pauvre femme geignait, le visage couvert de sueur. Dieu n’avait pas voulu qu’elle survécût à ma naissance.
    J’ai guidé Montanari jusqu’à l’autel.
    Nous nous sommes agenouillés épaule contre épaule, comme nous l’avions fait sur le pont de la Marchesa, en cette aube du 7 octobre 1571, la tête levée vers le crucifix qui couronnait le grand mât de notre galère. Près de nous se tenaient, priant avec la même ferveur, Benvenuto Terraccini, le Vénitien qui avait sculpté ce christ en croix, et Miguel de Cervantès, l’Espagnol, qui tremblait de fièvre mais avait tenu à prendre sa place parmi les soldats afin de combattre les infidèles.
    Lorsque les gardes-chiourme avaient commencé à crier, à frapper pour que les rameurs accélèrent la cadence, nous nous étions redressés, nous portant tous vers la proue de la Marchesa afin de pouvoir bondir sur l’une des galères musulmanes que nous allions éperonner.
    Ce fut la Sultane, la galère capitane d’Ali Pacha. Notre grand mât brisé par la canonnade s’était effondré sur le pont ennemi et il m’avait semblé que mes os craquaient avec lui.
    Lorsque j’ai vu un janissaire trancher d’un coup de hache la tête du christ, j’ai sauté à bord de la Sultane avec Terraccini et Montanari à mes côtés.
    C’était il y a près de trois fois dix ans, à la bataille de Lépante.
    Nous avons prié dans ma chapelle pour le salut du roi Philippe.
    Puis Montanari s’est avancé jusqu’à l’autel et a contemplé longuement cette tête de christ que j’avais placée à droite du tabernacle, sur l’étendard de damas rouge, celui qui flottait à la poupe de notre Marchesa et qui portait la devise : Tu hoc signo vinces ainsi que, brodées, les figures du Christ, de saint Paul et de saint Pierre.
    Montanari s’est signé puis a placé ses mains sur mes épaules.
    — Le voyage jusqu’ici a été long, m’a-t-il dit.
    Ce faisant, il m’a semblé qu’il parlait aussi de toutes ces années écoulées depuis ce matin du 7 octobre, quand notre galère doubla la pointe de Scropha et que nous découvrîmes, venant de Lépante, occupant presque toute l’étendue du golfe de Patras, les vaisseaux musulmans d’Ali Pacha.
    Nous sommes sortis de la chapelle et nous sommes installés devant la cheminée, dans la grand-salle.
    — Philippe II est donc mort ! ai-je lâché.
    J’attendais avec anxiété que Montanari me parlât de l’agonie du souverain, mais il a commencé le récit de son long voyage, et ce n’est qu’au moment où le rougeoiement des braises éclairait seul la pièce et que le froid commençait à peser sur nos épaules qu’il a murmuré :
    — Le corps du roi était couvert d’abcès, de plaies, de sang, et cela a duré cinquante-trois jours.
    J’ai écouté Vico Montanari.
    Il décrivait un calvaire, ne m’épargnant rien.
    J’ai vu les

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