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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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librement afin de transporter nos futaines, notre cuivre, notre étain, nos armes, les épices, les drogues, le coton, le poivre. Voilà ce qui compte. Pour le reste…
    Il m’a tapoté le genou.
    — Le roi des Espagnes est mort. Et chaque homme, toi, moi, le suivra un jour dans la tombe. Dieu seul choisit l’instant et les circonstances. Il faut se tenir prêt.
    Après un silence, Montanari a repris son récit. Philippe II avait voulu rassembler autour de son lit ses enfants, l’infante Isabelle et son fils Philippe, appelé à lui succéder. Les ambassadeurs et les grands du royaume avaient été conviés à cette entrevue.
    — J’étais là, a narré Montanari. L’odeur, malgré les parfums, était fétide. Nous tenions tous un mouchoir plaqué sur notre visage. On craignait qu’en pourrissant le corps du roi ne répande les germes de la mort. Philippe II avait le visage et les mains dévorés de plaies. D’un mouvement de tête, il appela l’un des médecins, exigea que l’on découvrît son corps. C’est alors que nous avons vu les boursouflures, le sang et le pus mêlés qui dessinaient des auréoles jaunâtres sur la peau et les draps.
    « Le souverain s’est quelque peu redressé et les médecins l’ont soutenu. Il a dit d’une voix étouffée : « Voyez, vous, mon fils, et vous qui représentez les rois et les puissances terrestres, voyez ce qu’il reste des grandeurs de ce monde quand Dieu a décidé que l’heure du jugement avait sonné. Méditez sur l’état de mon corps. Voyez ce que c’est que la mort quand elle est à l’œuvre. N’oubliez jamais cela quand vous parlez au nom de vos rois, et vous, mon fils, puisque demain vous allez régner, souvenez-vous où mène le chemin des grandeurs, souvenez-vous de mon corps ! »
    « Il est retombé, mais il a continué de murmurer, et jusqu’aux tout derniers instants, quand il a réclamé qu’on approche de ses lèvres le crucifix qui avait appartenu à son père, il n’a jamais fermé les yeux.
    « On a placé dans sa main gauche un cierge allumé bénit au couvent de Montserrat. La droite tenait le crucifix. Ses yeux ne se révulsèrent qu’à l’aube, quand commença la première messe chantée.
    « Ainsi est mort le roi des Espagnes, ce dimanche 13 septembre 1598.
    Montanari s’est levé.
    Il voulait repartir dès le lendemain matin. Il devait faire au doge et au Grand Conseil de la République le récit de cette agonie et rapporter ce qu’il savait du caractère et des projets du nouveau souverain, Philippe III.
    Je l’ai accompagné jusqu’à sa chambre puis suis retourné dans la chapelle où je me suis agenouillé.
    Montanari m’avait dit que durant plusieurs jours Philippe II s’était confessé, implorant le pardon de Dieu pour les fautes qu’il avait commises.
    Il me fallait agir de même, dire ce que j’avais fait de ma vie.
    J’ai pris dans mes mains la tête du christ posée sur l’autel, puis l’ai portée dans ma chambre et placée sur ma table de travail.
    C’est devant le christ aux yeux clos que j’ai décidé d’écrire ma confession.

2.
    Je Vous regarde, Seigneur.
    Lorsque j’ai découvert pour la première fois votre visage tel que Benvenuto Terraccini l’avait sculpté, je n’ai pu cacher mon étonnement, ma déception et même ma colère.
    J’étais sur le pont de la Marchesa, la galère que commandait un vieux capitaine vénitien, Ruggero Veniero, au visage couturé et au corps voûté. Il avait combattu les infidèles à Tunis, à Rhodes, à Chypre et à Corfou. Il se tenait sur le château arrière, debout entre les deux fanaux, décrivant d’un large mouvement du bras la rade et le port de Messine où, serrées les unes contre les autres, les coques des navires de la Sainte Ligue commençaient à s’entrechoquer, car ce 15 septembre 1571 le vent se levait.
    Veniero nous avait fait aligner de la poupe à la proue. Nous étions plus de deux cents soldats et marins, épaule contre épaule, le visage tourné vers lui qui nous haranguait, mêlant le vénitien et l’espagnol. Le poing levé, il maudissait les infidèles, ces bourreaux cruels dont il fallait nettoyer le ciel et la terre.
    — Jamais, avait-il dit, autant de navires n’ont été rassemblés depuis le temps d’Octave, d’Antoine et de Cléopâtre.
    Il avait montré les mâts et les étraves, les éperons qui prolongeaient les proues, tout ce bois et ce fer de nos navires qui cachaient la mer.
    Il avait saisi

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