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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rudesse.
    — C’est
Senneçay, dit M. de la Place en pâlissant, mais la face fort calme, et avec
lui, trois ou quatre des plus effrénés quarteniers. Florine, va ouvrir et, les
précédant, reviens vite te glisser dans le petit cabinet céans et t’y fais
oublier en attendant que ces messieurs t’emmènent en sûreté.
    Ce disant, il
nous montra du doigt le viret dérobé et après lui avoir donné une forte
brassée, j’y fus, le laissant seul, mes compagnons me suivant tête basse et le
cœur nous toquant fort de ce qui s’allait passer, n’étant séparés de cette
scène que par une boiserie de chêne auquel je mis un œil de nouveau.
    Senneçay entra
le premier, d’un pas résolu, armé en guerre, l’épée à la main et la rondelle au
bras, comme s’il allait se jeter vaillamment au combat en un grand frottis de
piques, et non point pénétrer dans la paisible librairie d’un homme de robe,
seul et sans armes.
    D’avoir été sa
vie durant, au prix d’une grande souplesse d’échine, l’exécuteur des basses
œuvres du Louvre, avait modelé au Grand Prévôt un visage où la cruauté s’était
mise en sournois ménage avec la fourberie, ses yeux noirs roulant dans l’orbite
comme de petites bêtes féroces, et cependant serviles et comme inquiètes, ses
lèvres minces, serrées et sans couleur, étant comme rentrées et mangées du
dedans par ses appétits, et sa face tout entière couverte de boutons rouges et
purulents comme si sa conscience eût tenté de pousser hors la sanie qu’elle
sécrétait.
    Derrière lui
entrèrent trois quidams qui arboraient le gorgerin doré des capitaines,
lesquels M. de la Place avait décrits comme les plus effrénés quarteniers et à
mon sens, bien plutôt bêtes fauves qu’êtres humains, en ayant et l’aspect, et
le mufle, et l’odeur, l’un d’eux étalant des bras nus tout maculés de sang
comme s’il tenait à honneur qu’on sût bien la part qu’il avait prise depuis
deux jours à la boucherie des huguenots.
    — Monsieur,
dit Senneçay sans donner à M. de la Place son titre de Président, et sans non
plus l’envisager, son œil incrédiblement faux errant dans la librairie sans se
poser sur rien, j’ai l’exprès commandement du Roi de vous mener au Louvre.
    — Au
Louvre, Monsieur le Grand Prévôt ! s’écria M. de la Place. Au Louvre en
pleine émeute ! la commune de toutes parts soulevée et hurlant à la
mort ! Même au mitan de vos archers, la pique basse, je n’y arriverai pas
vivant !
    — Je vous
gage le contraire, dit Senneçay, mais sans vouloir, ou peut-être pouvoir, poser
sur lui son œil qui toujours vaguait dans la pièce. Je vous baillerai pour
votre sûreté un capitaine de Paris qui est bien connu de la commune et vous
accompagnera.
    — Et
quel ? dit M. de la Place.
    — M.
Pezou, ici présent.
    À quoi Pezou,
qui était une sorte de géant au poil carotte et à l’œil délavé, poussa en avant
sa bedondaine et mit ses deux poings sur les hanches d’un air de piaffe.
    — Pezou !
s’écria M. de la Place en le regardant avec horreur. Pezou, je le dis tout net
à sa face, est réputé le plus méchant des quarteniers ! Monsieur le
Prévôt, vous ne pourriez faire un pire choix ! Ne voit-on pas comment
Pezou se paonne d’avoir les bras éclaboussés du sang des nôtres ?
    — Assurément,
je m’en paonne, dit Pezou, ses cils sans couleur clignant sur ses yeux délavés.
J’ai fait serment à la benoîte Vierge de ne me point laver les bras que voici.
 – Oui-da ! et de manger et de dormir comme ils sont, tout croûteux
de sang séché ! — tant qu’on n’a pas fini la fête ni occis le dernier
hérétique en Paris !
    — Monsieur,
dit un autre quartenier d’un air gaussant, c’est raison de saigner un corps qui
souffre d’un dérèglement. Ainsi en va-t-il de l’État, lequel a pâti prou de
votre pestilentielle hérésie. Et de reste, c’est bien ce qu’a dit et laissé
entendre M. de Tavannes, à l’aube de la Saint-Barthélemy. Saignez, disait-il en
passant ès rues à cheval, saignez, mes amis ! La saignée est tant bonne en
août qu’en mai !
    Oyant quoi,
Pezou clignant ses yeux pâles et hochant le chef, tout ébaudi, répéta :
« La saignée est tant bonne en août qu’en mai ! »
    Et que ce fût
ou non la magie de cette émerveillable phrase, mais s’entrevisageant tous trois
du coin de l’œil, les trois quarteniers se mirent tout soudain à rire à

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