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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gentil valet :
    — Passons
d’abord les portes. On verra bien ensuite.
    À quoi Miroul
me contresourit avec tant de gratitude et de liesse que je ne laissai pas
d’être ému.
    — Allons !
dis-je. Allons voir si l’on peut franchir les murs de cette cruelle ville et
sortir de la nasse !
    Mais Miroul,
pour une fois, nous faillant à nous bien guider, son esprit étant ailleurs
occupé, nous descendîmes bonnement la rue Hautefeuille et allâmes donner du nez
à l’étourdie contre le couvent des Cordeliers, où tout soudain nous nous
trouvâmes englués dans une grande presse de garces huchantes et clamantes qui
traînaient à l’église pour les convertir à la chaude des demoiselles
huguenotes. Nos chevaux ne pouvant plus avancer d’un sabot en cette mêlée,
force nous fut de voir cette étrange scène. Les grandes portes des Cordeliers
étaient larges ouvertes et sur le maître-autel éclairé à profusion par de
grands luminaires étincelait cette idole que les papistes nomment le
Saint-Sacrement et devant quoi ces furies voulaient que les malheureuses,
abjurant, se prosternassent – d’aucunes (et en particulier celles qui
portaient dans leurs bras des enfantelets) acceptant de se renier, peut-être, à
ce que je cuide, pour défendre leur progéniture de mort ou pâtiment, d’autres,
s’y refusant tout de gob, et celles-là, mises en cheveux, de brocards et de
crachats couvertes, dévêtues, traînées au pied de la statue du Saint Roi Louis
(laquelle se dresse entre les deux grandes portes de l’église) et là, battues,
graffignées, piétinées par les grappes agglutinées de sorcières de paroisse,
lesquelles poussaient des cris, des sifflements et ululements à vous glacer le
sang, et à ce que je vis, n’abandonnaient les martyres à leur hérésie que
lorsqu’elles les tenaient pour mortes.
    Je vous laisse
à penser l’effroi avec lequel la pauvre Florine envisageait cette scène, se
voyant en la place de ces infortunées et déchirée par ces mégères, tant est
qu’elle prit le parti d’enfouir sa pâle face dans le dos de mon Miroul comme
poussin sous les plumes de sa mère, mon gentil valet grinçant des dents et son
œil marron pour une fois plus encoléré que son œil bleu.
    — Paix
là, Miroul ! dis-je, bride-toi ! Sortons de prime de ce bourdonnant
essaim !
    Et prenant le
parti de faire tous les quatre reculer nos chevaux, leurs larges croupes nous
ouvrant un passage, nous parvînmes à nous dégager de ces hurlantes harpies, et
à atteindre la rue du Paon. D’où nous gagnâmes la rue de l’Éperon, laquelle
était paisible, et la rue des Arcs [60] qui l’était moins, pour ce que, au moment même où nous y débouchions, passait à
grande noise et vacarme, sur les pavés, une coche de voyage dont les
tapisseries, non sans quelque motif, étaient fort étroitement rabattues sur les
portières, laquelle coche était, en outre, escortée par trente cavaliers au
moins, qui en pourpoint et mantelet, qui en morion et corselet, mais tous
l’épée à la main ou la pistole bandée. Et combien que ces cavaliers portassent
quasi tous au chapeau la croix de Lorraine, et les armes des Guise sur les
caparaçons de leurs montures, ils avaient grand labour à tenir en respect la
populace, laquelle se doutant bien qu’on dérobait là à leur cotel un huguenot
de conséquence (comme fit, en ces jours, plusieurs fois le Duc de Guise, de par
une contrefaite magnanimité, combien qu’il eût poussé de prime au massacre)
courait de part et d’autre de la coche en hurlant « À l’arme ! À la
Cause ! À Madame la Cause ! », d’aucuns se foulant quasiment
sous les pieds des chevaux, et peu rebiqués même par les platissades que les
gens d’escorte leur baillaient au-travers des épaules.
    Ha !
lecteur, je vis ma chance en un clin d’œil ! Ne doutant point que cet
ondulant dragon allait passer le pont-levis de la porte de Buccy, je lui
enfourchai la queue, et criant « Vive Guise ! » non sans donner
de l’œil à mes compagnons, je pris au trot à la suite, et fort heureusement
pour un valet de valise qui chevauchait à l’ultime et sans arme, je parvins
jusqu’à lui juste à temps pour le désemparer de quelques vaunéants et ribleurs
de pavés qui, sans moi, l’eussent désarçonné. Se voyant ainsi secouru et tout
soudain entouré de quatre gaillards, jouant qui du plat de l’épée, qui du
marelin (que mon Fröhlich moulinait comme une simple

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