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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ventre
déboutonné ; gaîté qui ne fut pas sans embarrasser Senneçay, lequel, étant
chattemite en diable, prenait plus de gants avec sa conscience.
    — Monsieur
le Prévôt, s’écria M. de la Place, vous avez ouï ! Me voulez-vous remettre
en telles mains ! Monsieur le Prévôt, je vous requiers et vous supplie de
me mener de votre personne au Louvre et sous votre responsabilité.
    — Monsieur,
dit Senneçay, l’air faux et le visage détourné. Excusez-moi. Je suis empêché à
d’autres affaires. Je ne pourrai vous conduire plus de cinquante pas. Pezou
fera le reste.
    — Vous
voilà donc marié à moi. Monsieur ! dit Pezou avec un gros rire, et
Tudieu ! vous ne le regretterez pas !
    — Ha !
Monsieur le Grand Prévôt, dit M. de la Place d’une voix blanche, c’est
trahison ! C’est félonie ! Je ne suivrai pas ce massacreur. Je m’y
refuse !
    Senneçay sourcilla
fort à ces paroles et de prime, sans parler, marcha vers la porte de la
librairie et la déclosant, appela à soi une demi-douzaine de ses hoquetons
blancs.
    — Monsieur,
dit-il à M. de la Place, revenant à lui mais sans l’envisager davantage, c’est
assez fait le rebelle et le maillotinier avec le Grand Prévôt. Quand je parle
au nom du souverain, j’entends être obéi. Si vous ne vous rendez pas de votre
chef au commandement du Roi, je vous conduirai à son auguste personne en
charrette, pieds et poings liés.
    — Monsieur,
dit M. de la Place après un temps de réflexion, je vous épargnerai cette ultime
infamie. Elle blesserait trop votre conscience.
    Ayant dit et
saisissant son mantelet (sans lequel aucune personne de sa qualité n’aurait
sailli ès rue en Paris, même en août) il le jeta sur ses épaules, et la face
fort pâle, mais calme et composée, marcha vers la porte. Cependant, au moment
d’en franchir le seuil, il se retourna et sans daigner voir Senneçay, ni les
trois quarteniers, jeta un long regard à sa chaire à accoudoirs, à sa table et
à ses livres.
    Son escorte,
comme je sus plus tard, le fit passer par le Petit Pont, que Senneçay ne passa
pas, se retirant comme il avait dit, Pezou prenant alors la tête de la troupe
que le populaire accompagnait en huchant à la mort, mais sans oser affronter
les piques. M. de la Place traversa en ce cortège hurleur la moitié de l’île de
la Cité, mais comme il arrivait à l’angle de la rue de la Verrerie, Pezou
ordonna aux archers de s’arrêter. Et une poignée de massacreurs qu’on avait
postée là tout exprès, se ruant alors sus sans que les hoquetons blancs fissent
rien pour les arrêter, dagua le Président.
    Je cuide,
quant à moi, que le roi, sans rien faire pour protéger M. de la Place, n’avait
pas non plus ordonné sa mort. Sans cela, on l’eût inscrit sur un rôlet et
dépêché comme tant d’autres en son logis à la chaude, le dimanche 24, à la
pique du jour. Senneçay, à mon opinion, conniva cette meurtrerie particulière
avec Pezou et Nully, à qui seul elle profitait, pour ce qu’ayant eu le bonnet à
mortier du Président après la seconde guerre civile, il avait dû le rendre à M.
de la Place à la Paix de Saint-Germain. Restitution qui lui navra le cœur. De
petites clicailles achetèrent Pezou et de plus grosses, Senneçay, lequel, fort
ménager de son bon renom, prit grand soin de ne point présider à
l’assassination.
    Ainsi allait
le train du monde en ces sinistres heures. Il était loisible à tout un chacun
d’égorger son hérétique, qui pour avoir sa place, qui pour hériter de lui, qui
pour se revancher d’une offense, qui pour gagner son procès. Ainsi le célèbre
Bussy d’Amboise qui plaidait interminablement avec le huguenot Antoine de
Clermont, son cousin, au sujet du marquisat de Renel qu’il lui disputait, le
rechercha dès l’aube du 24 et l’ayant encontré qui se mettait à la fuite,
abrégea la procédure en le poignardant.
    Dès que M. de
la Place eut départi avec ses bourreaux, je courus pour temps gagner fermer au
verrou la porte de la librairie, me doutant bien que la commune allait –
l’huis sur la rue béant et le logis abandonné – l’envahir et vaguer d’une
pièce à l’autre afin de les mettre derechef à pillage. Florine saillant alors
toute en pleurs du petit cabinet attenant, je ne voulus pas consentir qu’elle
allât chercher son petit baluchon en sa chambrifime car déjà on entendait des
pas, des sifflements, et des huchements sur les degrés, la maison

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